Le Journal de Montreal - Weekend
PAR-DELÀ LA SOUFFRANCE…
Anne Fontaine (Adore) lève ici le voile sur un pan très peu connu de la Seconde Guerre mondiale.
En cet hiver 1945, en Pologne, une religieuse, soeur Maria (Agata Buzek) sort de son couvent et se dirige vers la CroixRouge française. Elle cherche désespérément un médecin, mais tous lui tournent le dos. Finalement, c’est Mathilde (Lou de Laâge), une jeune docteure française, qui accepte de lui venir en aide.
Ce qu’elle découvre au couvent – et en promettant le secret le plus absolu – la laisse sans voix. Lors de l’avancée des troupes soviétiques et de la libération de la Pologne, plusieurs religieuses ont été violées et sont désormais enceintes des oeuvres de leurs bourreaux. Mathilde accepte d’effectuer un suivi médical en plus d’aider à l’accouchement des religieuses, et ce, malgré l’opposition initiale de la mère supérieure (Agata Kulesza).
Petit à petit, et c’est là l’une des forces indéniables de ce long métrage de 115 minutes, Mathilde (ce personnage de fiction est inspiré de celui de Madeleine Pauliac, médecin en chef de l’hôpital français de Varsovie, qui a raconté l’histoire de ces religieuses dans son carnet de notes, dont est tiré le scénario du film) et les soeurs s’apprivoisent, apprennent à communiquer et à se faire confiance. La relation entre la jeune médecin et soeur Maria, toutes deux, chacune à leur manière, d’un courage peu commun, est tout en finesse, une approche que privilégie la cinéaste Anne Fontaine tout au long de cette oeuvre forte.
ÉPISODE SOMBRE
Car l’objectif n’est ni de juger, ni de condamner ni d’approuver les décisions des soeurs – et ceci est particulièrement flagrant lors de la révélation des secrets de la mère supérieure –, mais de faire la lumière sur un épisode de la Seconde Guerre mondiale – et le cas n’est pas isolé –, absent des livres d’Histoire.
Autre point indéniablement attrayant de Les innocentes, la modernité du personnage de Mathilde. Femme forte, de surcroît en position de pouvoir (une rareté à l’époque) qui n’hésite pas à s’opposer à sa hiérarchie, la jeune médecin – comme les religieuses d’ailleurs – effectue ses choix en fonction de ses convictions profondes. Et c’est également par ce propos que le film diffère des drames habituels, le message en est un d’espoir, de la puissance de la vie face à la barbarie (le personnage inventé de Samuel, médecin juif, illustre aussi ce point), de la traversée d’épreuves et de la survie, malgré tout. À voir.