Le Journal de Montreal - Weekend
VISITE GUIDÉE DE LA FAVELA DE ROCINHA
Voir le Brésil sans une visite des favelas, c’est un peu comme si on refusait de regarder en face la réalité quotidienne de beaucoup de Brésiliens. Accompagnée d’un guide, j’ai vu les rues de Rocinha, le plus grand bidonville de Rio et d’Amérique du Sud.
Pacifiée en 2011 en prévision de la Coupe du Monde de soccer (2014) et des Jeux olympiques de 2016, Rocinha est maintenant un quartier plus sécuritaire.
Les tours guidés y sont la bienvenue, à condition de respecter l’intimité des résidents.
En sécurité dans notre fourgonnette, notre conducteur s’arrête à l’entrée de Rocinha pour nous permettre d’admirer la vue. Perchés au-dessus de Rio de Janeiro, nous contemplons les milliers de toits de tôles rouillées, couverts de cordes à linge, de satellites et d’immenses bacs bleus servant à récupérer l’eau de pluie.
Du point où nous nous situons, nous pouvons observer les différentes classes sociales de Rio. C’est étrange, car les plus nantis sont voisins des plus démunis. C’est probablement la raison pour laquelle les maisons des plus fortunés sont protégées par de grandes clôtures de métal.
Notre guide, Lucila, nous explique qu’au début du 20e siècle, les populations pauvres (et majoritairement noires) du Brésil ont emménagé dans les montagnes de Rio, alors inhabitées. Avec les familles grandissantes, les habitants ont ajouté de nouveaux étages à leurs demeures à partir de matériaux trouvés sur les dépôts d’ordures.
L’ESPRIT DE COMMUNAUTÉ
Aujourd’hui, c’est près de 7 % (11,5 millions d’habitants) de toute la population brésilienne – la plus pauvre – qui réside dans l’une des 6000 favelas du pays. De ce nombre, il y aurait environ 70 000 habitants (recensement de 2011) dans la communauté de Rocinha.
Les services publics (égouts, aqueduc) sont quasi inexistants, puisque les favelas sont considérées comme des sousquartiers. L’autobus de ville se rend au bas de la montagne, sans plus. Pour le reste, les gens doivent voyager à pied, dans un labyrinthe de maisons très peu éclairé.
Notre guide nous confie qu’il est fréquent de voir des habitants transporter les corps des défunts ou des personnes malades de haut en bas de la communauté. Les ambulances, les voitures de pompiers et de polices ne peuvent s’y rendent, même en cas d’urgence.
VISITE
Sachant qu’ils sont laissés à eux-mêmes, les habitants des favelas se sont débrouillés pour ouvrir de petits commerces et devenir le plus indépendants possible.
À droite, un comptoir de boucherie où sont suspendus des poulets fraîchement déplumés.
À gauche, un salon de coiffure avec deux clientes en attente de recevoir une coupe ou un brushing.
Notre Lucila explique que la «communidad», comme les habitants des favelas aiment l’appeler, est tissée très serrée, mais elle a des lois bien à elle. L’entraide et le respect sont des valeurs de base. Le vol et le viol, quant à eux, sont punis sévèrement. On parle ici d’amputation. La loi qui règne est oeil pour oeil, dent pour dent. Les policiers ne s’en mêlent pas trop, ils sont là principalement pour empêcher les narcotrafiquants de reprendre le contrôle des favelas comme ce fut le cas avant la pacification. Le peuple serait méfiant à leurs égards. Lucila nous parle des policiers. Leur présence à chaque coin de rue est un rappel que la prudence est de mise. On pourrait facilement l’oublier à la vue des enfants qui s’amusent à courir dans les ruelles et des vendeurs de Caipirinhas (cocktail local) qui nous invitent à se rafraîchir dans leurs commerces.
ESPOIR
Notre visite de Rocinha prend fin sur une note d’espoir alors que Lucila nous amène au nouveau centre sportif construit à l’entrée du quartier. Les enfants qui fréquentent l’école en avantmidi peuvent s’y amuser l’après-midi. Il s’agit d’une belle initiative qui laisse présager que les jeunes auront la chance de sortir des favelas, un jour.