Le Journal de Montreal - Weekend
Déclaration d’amour À LA TERRE
Saint-Placide | À notre arrivée à son atelier de Saint-Placide, petite municipalité des Laurentides située à une quinzaine de kilomètres d’Oka, Gilles Vigneault était absent. L’artiste de 87 ans, qui lancera son cinquième livre-disque avec La montagne sec
C’est un homme reposé et heureux qui s’est finalement présenté à nous, avec quelques minutes de retard. Après avoir pris un moment pour discuter de ses récents exploits (en toute humilité), nous avons convenu de nous installer aux abords du lac des DeuxMontagnes, situé à quelques minutes de marche de là, pour la réalisation de cette entrevue, question de profiter des derniers élans de l’été.
Avant de quitter l’endroit, celui à qui l’on doit ce conte aussi poétique que terre-à-terre intitulé Gaya et le petit désert, publié pour la première fois en France il y a de cela une vingtaine d’années, a tenu à prendre le temps de parcourir les pages de son livre, exercice auquel il n’avait pas encore eu la chance de s’adonner, l’objet sortant à peine des presses.
Bien qu’il n’en soit pas à sa première collaboration avec La montagne secrète, une maison d’édition qui s’adresse «intelligemment» aux enfants en leur proposant des livres-disques concoctés par des créateurs de renom (les créations de Claude Léveillée, Lionel Daunais et Félix Leclerc ont fait l’objet d’un ou de plusieurs projets), Gilles Vigneault nous a paru à la fois excité et ému de pouvoir enfin découvrir cette nouvelle publication, magnifiquement illustrée par Stéphane Jorisch.
«J’ai imaginé l’histoire d’un grandpère qui coupait du bois, mais sans discernement. Au début, au lieu d’aller dans les coulées, il a coupé le bois autour de sa cabane. Il a asséché le puits, car les racines n’étaient plus là pour retenir l’eau dans la terre, nous a-t-il expliqué. C’est reconnu que lorsque certaines espèces comme le pin, par exemple, sont coupées, le terrain s’assèche. Quand il pleut, ça dévale et ça donne des histoires comme VaisonLa-Romaine, en France.»
Ce sont les inondations qui ont frappé cette petite ville de Provence, au début des années 1990, qui ont inspiré au poète cette histoire qu’il a choisi de faire revivre, aujourd’hui.
«Il y avait eu des morts, des inondations et la destruction d’un village... C’est une vieille histoire, mais je trouvais ça inquiétant que l’on puisse faire des coupes à blanc sans jamais en voir les conséquences, a-t-il affirmé. Il y a des coupes à blanc qui se font dans la forêt boréale et dont nous n’avons pas connaissance. C’est toujours un manque de respect de l’homme pour l’arbre, mais moi je dirais aussi de l’homme pour l’homme, puisque c’est un manque de respect pour son habitat.»
ENGAGEMENT
Dans Gaya et le petit désert, parents et enfants (le livre s’adresse aux enfants de 7 à 9 ans) découvriront l’univers de Gaya, une jeune fille curieuse qui ne se gêne pas pour interroger les animaux de la forêt (et même le grand chêne) afin de comprendre pourquoi le puits de son grand-père Androu est à sec. La version audio du conte, narrée par Vincent Davy, met en vedette les voix de Marcel Sabourin et de Juliane Belleau, dans les rôles principaux.
«Ce n’est pas pour rien que mon livre est dédié à mon ami Hubert Reeves. C’est quelqu’un que je connais un peu, dont j’ai lu tous les livres, et pour qui j’ai beaucoup de respect. En plus, il continue de s’occuper de notre planète, pour qu’on arrête de la détruire et de la briser. Ça n’empêche pas d’aller vérifier s’il y a de l’eau sur Mars, mais je pense que cela ne doit jamais nous faire oublier la Terre, notre demeure principale.»
Pour Gilles Vigneault, dont les yeux brillent de passion lorsqu’il nous parle des enjeux environnementaux qui lui ont inspiré l’histoire de Gaya, ses écrits demeureront toujours une façon de sensibiliser les esprits – jeunes et moins jeunes – à des enjeux qui devraient interpeller l’ensemble de l’humanité.
«Chaque génération a une oreille neuve, nous a-t-il dit. Il y a aussi de vieilles oreilles qui entendent mal et qui ont besoin d’aide. C’est toujours à recommencer, ça.»