Le Journal de Montreal - Weekend

L’AMOUR À LA FORCIER

C’est avec une jubilation lubrique qu’André Forcier nous livre une histoire d’attirance sexuelle entre un frère et une soeur.

- Isabelle Hontebeyri­e

Pierre Sauvageau (Émile Schneider, très bon), un jeune homme de 22 ans, rêve d’aller en découdre avec les Allemands de l’autre côté de l’Atlantique. Mais il ne peut quitter ce Montréal de 1940, puisqu’il doit prendre soin de Berthe (Juliette Gosselin, parfaite, jouant habilement sur le fil entre innocence et perversité), sa jumelle, une infirme dont leur mère Yvonne (Céline Bonnier, superbe comme toujours) ne peut plus s’occuper totalement en raison de son âge.

La jeune et bouillante Berthe, confinée au magasin de chapelière de sa mère, n’a pas vraiment l’occasion de rencontrer des garçons – et qui voudrait d’une infirme clouée dans un fauteuil roulant? –, elle reporte donc toutes ses envies sensuelles sur son frère. Pierre a beau rester de glace, il n’est pas insensible aux charmes de Berthe. Heureuseme­nt, Marguerite (Mylène Mackay), la petite amie de son meilleur chum, vient lui offrir un dérivatif parfait. Mais ses tendres sentiments envers cette dernière sont gâchés par ses fantasmes envers sa soeur.

André Forcier ne renonce jamais à son style inimitable, fait de réalisme et de surréalism­e. Du chapelet accroché à la corde à linge (les images d’ouverture) à Roy Dupuis en père alcoolique «étampé» (littéralem­ent) dans un mur par Antoine Bertrand qui joue son fils (homosexuel et qui fréquente le curé en cachette entre deux messes!), en passant par Patrick Drolet en fils du propriétai­re d’un grand magasin parlant de la «race» des Canadiens français, Embrasse-moi comme tu m’aimes est un plaisir visuel, émotif et intellectu­el.

MÉLANGER LES ÉPOQUES

Autre point intéressan­t, l’impression de se trouver ici en plein XIXe siècle malgré le fait que le long métrage se déroule en 1940. Les références au siècle des naturalist­es abondent, d’Émile Zola dans les dialogues au tableau Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet. Au fil de cette intrigue que seul Forcier est capable d’imaginer et de mettre en images, on retrouve les accents sensuels de Nana ou d’Au bonheur des dames. La chair (qui n’est, ici, pas triste du tout) est omniprésen­te, elle gouverne les motivation­s de l’ensemble des personnage­s (la relation entre Tony Nardi et Céline Bonnier vaut son pesant d’or).

Véritable «Who’s Who» du cinéma de chez nous, Embrasse-moi comme tu m’aimes compte également sur la présence de Julien Poulin, France Castel, Rémy Girard, Mylène Saint-Sauveur, Pierre Verville et plusieurs autres qu’on aperçoit sporadique­ment, au détour d’une scène, qui ajoutent au plaisir du visionneme­nt. Pas de doute, André Forcier est toujours en pleine possession de ses moyens, il permet à l’ensemble de sa distributi­on de briller et procure, avec cette nouvelle oeuvre, bien des délectatio­ns jubilatoir­es aux cinéphiles.

 ??  ?? Embrasse-moi comme tu m’aimes nous ramène dans les années 40, alors que la Deuxième Guerre mondiale sévit.
Embrasse-moi comme tu m’aimes nous ramène dans les années 40, alors que la Deuxième Guerre mondiale sévit.

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