Le Journal de Montreal - Weekend
UN HOMME D’ÉGLISE TRICHEUR ET MANIPULATEUR
Pour lancer sa saison théâtrale, le TNM a misé sur une excellente brochette d’acteurs afin de nous transporter dans l’univers de Molière. Benoît Brière, Anne-Marie Cadieux et Emmanuel Schwartz figurent parmi les treize comédiens qui se donneront la répliq
À l’ère où les prêtres n’ont plus le vent dans les voiles, ayant perdu leur pouvoir moral au sein de la population et ayant été maintes fois écorchés par les scandales de pédophilie, voilà que le metteur en scène Denis Marleau ressort une comédie de Molière qui remonte à 1664.
Écrite en alexandrins, elle raconte l’histoire d’un faux serviteur de Dieu habité par l’appât du gain. C’est l’hypocrisie religieuse et la fausse dévotion qui y sont principalement dénoncées. «On sera surpris de l’actualité du propos, car rien n’a vraiment changé», annonce d’entrée de jeu Emmanuel Schwartz qui interprétera le rôle-titre.
La pièce, à l’époque, avait fait un tel scandale qu’elle avait été interdite par l’Église. Intitulée Tartuffe ou l’Imposteur et présentée au château de Versailles en 1664, elle a rapidement été bannie par l’Église et par la pression de l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, si bien que le roi Louis XIV a dû demander à Molière de revoir sa pièce afin qu’elle devienne présentable. À l’époque, Molière présentait ses pièces dans la Cour du roi pour amuser la famille royale avant de les présenter au grand public.
L’APPÂT DU GAIN
Ainsi, on retrouvera Benoît Brière et Anne-Marie Cadieux, qui prêteront leurs traits à Orgon, un bon père de famille, et sa séduisante épouse, Elmire.
Orgon a choisi d’installer dans sa propre maison un guide spirituel. Ce bienfaiteur homme de Dieu, nommé Tartuffe, s’avérera le pire manipulateur. En plus de vouloir épouser la fille d’Orgon et de séduire Elmire, il voudra mettre la main sur la fortune familiale.
«L’imposteur qu’est Tartuffe mène un jeu de confidence. Il est celui qui trompe et qui monte un bateau à quelqu’un dans le but d’en tirer profit, c’est une figure que l’on retrouve aujourd’hui partout», fait remarquer la tête d’affiche. «C’est aussi celui que l’on pourrait considérer comme le négociateur et le beau parleur.»
DE BELLES RETROUVAILLES
Pour Emmanuel Schwartz, remonter sur les planches du TNM est non seulement un grand défi, mais aussi l’occasion de retravailler avec Benoît Brière, avec qui il avait joué l’année dernière dans ce même théâtre dans la pièce En attendant Godot.
«Orgon et Tartuffe forment un grand couple mythique au théâtre», souligne Emmanuel Schwartz.
Le metteur en scène a voulu moderniser la pièce afin de la camper dans les années 1960. «Ça correspond à la sortie de la Grande Noirceur au Québec», rappelle Emmanuel Schwartz, qui fait remarquer qu’habituellement, Tartuffe est joué par un acteur beaucoup plus âgé.
«Nous aurons des costumes flyés rappelant les années 1960», révèle-t-il. «Tartuffe fera penser à un animateur de pastorale qui aime le chanteur Prince plutôt qu’un traditionnel curé de paroisse.»