Le Journal de Montreal - Weekend
VOYOUS DU MONDE
King Dave
nous entraîne dans la spirale destructrice d’un voyou montréalais (Alexandre Goyette) engagé dans un palpitant voyage au bout de la nuit. Paru cette semaine en DVD et en VSD, le long métrage de Podz
(L’affaire Dumont, Miraculum) réveille le souvenir de tous ces vauriens magnifiques et terriblement humains que le cinéma nous a offerts. En voici quatre, inoubliables.
ORANGE MÉCANIQUE (1971) 1
Dans cette adaptation magistrale et cauchemardesque du roman d’Anthony Burgess, Stanley Kubrick (2001: L’Odyssée de l’espace, Shining) présente un voyou hyperviolent (inquiétant Malcolm McDowell), qui, après une condamnation pour meurtre, accepte de servir de cobaye dans une expérience scientifique de réhabilitation accélérée. Avec un art consommé de l’art cinématographique, Kubrick crée un climat envoûtant et provocant à la fois, sur fond de symphonies de Beethoven réarrangées par Walter Carlos. Cette oeuvre résolument originale, au style unique jamais reproduit depuis, a marqué toute une génération de spectateurs.
AMOURS CHIENNES (2000) 2
Un spectaculaire accident de la route ouvre ce très grand premier long métrage du Mexicain Alejandro González Iñárritu (Babel, Birdman, Le revenant), et devient l’épicentre de trois intrigues parallèles aux ramifications sociales et psychologiques riches et complexes. L’une d’entre elles met en scène un voyou attendrissant (Gael Garcia Bernal, alors débutant) qui s’enrichit en faisant participer son chien à des combats illégaux souvent sanglants. Le résultat est une fresque percutante sur la condition humaine dans la grande ville de Mexico, des quartiers les plus pauvres aux milieux les plus aisés.
L’ENFANT (2005) 3
Bruno, un voyou irresponsable (intense Jérémie Rénier), tente de se racheter auprès de sa compagne (douce Déborah François) après avoir vendu leur nouveau-né.
La caméra nerveuse et à l’épaule des frères Luc et Jean-Pierre Dardenne (Le fils, Deux jours, une nuit) traque sans répit ce mauvais garçon désarmant, dans une proximité qui frôle parfois l’asphyxie. Ce rigoureux parti pris esthétique va de pair avec un traitement humaniste du sujet, à portée universelle, qui permet aux cinéastes de tracer le portrait âpre d’une jeunesse désespérée vivant dans la précarité.
TSOTSI (2005) 3
Un délinquant du ghetto de Johannesburg ramène chez lui le bébé qui se trouvait sur la banquette arrière de la voiture qu’il a volée.
Gavin Hood (La stratégie Ender, Les yeux dans le ciel) met en lumière une réalité sud-africaine méconnue, à travers ce drame sur la misère et l’exclusion modulé par l’éveil au sens moral d’un vaurien. Au contraire du vertigineux Cité de Dieu de Fernando Meireilles qui, sur un thème voisin, nous faisait visiter les favelas de Rio comme s’il s’agissait d’un parc d’attractions, Tsotsi est une oeuvre pudique, fataliste, dont la mise en scène sobre, aux accents poétiques, est au service de l’émotion intérieure du héros.