Le Journal de Montreal - Weekend

Denis Villeneuve à l’aise à Hollywood

Avec L’Arrivée, son troisième film hollywoodi­en, le cinéaste québécois Denis Villeneuve réalise un vieux rêve en plongeant dans la science-fiction, un genre qu’il affectionn­e depuis son enfance. Tourné à Montréal à l’été 2015, le film arrive sur nos écran

- Maxime Demers

UN RÊVE DE JEUNESSE

Adapté de la nouvelle Story of Your Life publiée en 1998 par l’auteur américain Ted Chiang, L’Arrivée (Arrival) raconte l’histoire d’une linguiste (Amy Adams) qui est recrutée par l’armée pour tenter de comprendre le langage d’une civilisati­on extraterre­stre qui vient de débarquer sur Terre.

Denis Villeneuve a lu cette nouvelle il y a quelques années, à la suggestion de producteur­s américains qui venaient d’en acquérir les droits.

«Après Incendies, on m’a souvent demandé ce que j’aimerais faire comme genre de film si j’avais la possibilit­é de tourner à Hollywood, explique Villeneuve (Sicario, Prisonnier­s). J’ai rapidement pensé à la science-fiction parce que c’est le genre de film que je ne peux pas faire au Québec parce que ça coûte trop cher. Mais il fallait trouver la bonne histoire et un bon scénario avec de la substance. Alors, quand on m’a fait lire la nouvelle Story of Your Life, j’ai été immédiatem­ent séduit. C’est un petit chef-d’oeuvre, très littéraire. Adapter cela était un projet un peu fou, mais il y a un scénariste – Eric Heisserer – qui a réussi à trouver la bonne façon de le faire, à mon grand bonheur.

«Il faut dire que j’ai été élevé dans la science-fiction, à lire des bandes dessinées européenne­s. Je me suis nourri de beaucoup d’auteurs de science-fiction pendant mon adolescenc­e. Ça faisait donc longtemps que j’avais envie de transposer cette passion-là au cinéma. J’aime beaucoup les histoires de science-fiction qui explorent le genre de façon intelligen­te et avec un propos. C’est le cas de L’Arrivée et ce sera le cas du prochain Blade Runner que je tourne en ce moment.»

DE LA SCIENCE-FICTION SUBTILE

Lors de la première de L’Arrivée à la Mostra de Venise en août dernier, la presse internatio­nale a vanté les mérites du film le qualifiant de science-fiction subtile et intelligen­te. Des commentair­es qui ont fait plaisir au cinéaste québécois.

«C’était ça la volonté, dit-il. Ça reste aussi un film spectacula­ire parce que la science-fiction, c’est ça aussi. C’est un film qui est cérébral, mais qui peut aussi être envoûtant et stressant par moments. J’ai essayé d’avoir un équilibre entre les idées et la notion de spectacle.»

PLUS LUMINEUX

Dans ses quatre films précédents (Polytechni­que, Incendies, Prisonnier­s et Sicario), Denis Villeneuve mettait en scène des univers très sombres et explorait des thématique­s dures et violentes.

L’Arrivée se détache légèrement de cette tendance.

«Ça reste un film qui a sa part d’ombre, mais c’est certaineme­nt plus lumineux que mes derniers films. J’ai quand même fait Polytechni­que, Incendies, Prisonnier­s et Sicario un après l’autre. Ce sont tous des films très sombres. Quand je suis embarqué dans Sicario, je me suis dit: je ne peux pas croire que je vais retourner encore dans quelque chose d’aussi violent. J’ai été capable de faire Sicario parce je savais que je faisais L’Arrivée après. Ça m’a fait du bien. C’était comme prendre des vacances pour moi. Avant de retourner dans quelque chose de plus sombre comme Blade Runner, j’avais vraiment besoin comme artiste d’aller dans cette lumière-là.»

UNE TOUCHE QUÉBÉCOISE

L’Arrivée a été tourné à l’été 2015, à Montréal, mais aussi à Saint-Fabien, près de Rimouski.

C’est Denis Villeneuve lui-même qui a suggéré à ses producteur­s américains de venir tourner le film au Québec.

«L’histoire du film se déroule aux ÉtatsUnis et on y voit un univers très américain, mais il y a un savoir-faire québécois derrière le film, observe Villeneuve. Il a été entièremen­t tourné, fabriqué et monté au Québec. Les effets spéciaux. Il y a beaucoup d’artisans québécois qui ont travaillé sur le film, comme le directeur artistique Patrice Vermette, Louis Morin aux effets spéciaux et Renée April aux costumes. Pour moi, c’était une manière de revenir à la maison et de faire travailler des gens de chez nous sur un projet avec un budget important. Je sentais que c’était une bonne façon de faire tourner la roue dans le bon sens.»

FAIRE SA PLACE À HOLLYWOOD

Mine de rien, Denis Villeneuve signe, avec L’Arrivée, son troisième film hollywoodi­en, après Prisonnier­s et Sicario. Malgré sa notoriété grandissan­te à Hollywood, il admet se sentir comme un étranger dans la capitale mondiale du cinéma: «C’est drôle parce que quelqu’un me disait l’autre jour: “Arrête de penser que tu es un invité à Hollywood, tu n’es plus un invité à Hollywood”, rigole le cinéaste. Parce que j’ai encore ce sentiment d’être un touriste là-bas. Pour l’instant, Hollywood me permet de raconter des histoires avec une certaine ampleur. C’est sûr que je vais revenir tourner un film à la maison un jour, mais pour l’instant, j’ai des possibilit­és aux États-Unis.»

UN EMPLOI DU TEMPS CHARGÉ

Denis Villeneuve se trouvait à Budapest, en Hongrie, quand on l’a joint par un samedi après-midi de septembre. Le Québécois venait de terminer une journée de tournage de Blade Runner 2049, la suite très attendue du classique de 1982, qu’il tourne depuis l’été passé avec Ryan Gosling et Harrison Ford. Ce tournage très exigeant l’a même obligé à rater la première de L’Arrivée. Occupé, Denis Villeneuve? C’est le moins qu’on puisse dire. «J’ai réalisé récemment que j’ai fait cinq films en six ans, dont Blade Runner qui n’est pas encore terminé. J’ai encore beaucoup d’énergie et la passion est là, mais il y a quand même une grande fatigue en moi. Après Blade Runner, je sens que je vais avoir besoin de dormir pendant trois mois et développer quelque chose de plus personnel à long terme.»

BLADE RUNNER?

Denis Villeneuve admet qu’il s’amuse comme un enfant à tourner la suite très attendue du film culte Blade Runner, de loin son projet le plus ambitieux à ce jour. Le tournage a débuté l’été dernier à Budapest et se poursuit pour encore plusieurs semaines. Mettant en vedette Ryan Gosling, Harrison Ford et Robin Wright, Blade Runner 2049 prendra l’affiche dans un an, soit le 5 octobre 2017.

«Presque tous les jours, on se regarde, Ryan Gosling et moi, et on part à rire d’excitation et de joie, mais de frayeur aussi, raconte Villeneuve.

«J’ai développé une très belle complicité avec lui. Je suis vraiment impression­né par ce qu’il me donne devant la caméra chaque jour. Il m’apporte beaucoup d’énergie et j’en avais besoin. Parce que si je faisais un film normal, je serais aujourd’hui dans mes derniers jours de tournage. Mais j’en suis encore au début! C’est un énorme tournage!» L’Arrivée (Arrival) prend l’affiche vendredi (11 novembre).

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