Le Journal de Montreal - Weekend
L’Heptade quarante ans plus tard
«C’est extraordinaire!» Rencontrés dans un studio du centre-ville, Serge Fiori et Louis Valois ont raconté avec émotion comment ils ont pu remixer l’album L’Heptade, le troisième disque d’Harmonium, après que les bandes maîtresses eurent été retrouvées 40
Album considéré comme un monument de la chanson québécoise, L’Heptade célébrera son 40e anniversaire le 15 novembre prochain. Pour l’occasion, les amateurs d’Harmonium pourront écouter une toute nouvelle version du disque: celle que Serge Fiori et Louis Valois ont remixée cet été.
Mais pourquoi toucher à un tel monument? Parce que les membres d’Harmonium n’avaient pu assister au mixage de l’album en 1976, eux qui avaient alors dû partir en tournée au Nouveau-Brunswick.
«On n’était pas insatisfaits de ce qui avait été fait, précise Louis Valois. Les gens qui avaient mixé l’album l’avaient fait avec une vision. C’était parfait pour nous. Sauf que lorsqu’on a enregistré l’album live, on a réalisé que le band avait une proximité différente de l’album studio.»
Les années ont passé et les bandes maîtresses ont malencontreusement été égarées chez Sony Music. Serge Fiori et Louis Valois ont alors pensé qu’ils ne pourraient plus jamais retravailler L’Heptade.
LA DÉCOUVERTE
En janvier de l’an dernier, voyant le 40e anniversaire du disque approcher, le tandem Fiori-Valois a recontacté l’équipe de Sony Music pour travailler sur la sortie en DVD du film Viens voir le paysage (qui consiste en une captation live d’un spectacle de la tournée de L’Heptade). C’est là que tout a changé.
«On était avec le gars de Sony à Toronto quand il nous a dit que les pistes de L’Heptade avaient été retrouvées», relate Serge Fiori.
«Ça vous tente-tu de les avoir? nous at-il demandé, poursuit Louis Valois. Quand on a écouté ça en studio, on s’est retrouvé instantanément 40 ans en arrière dans le camion à Saint-Césaire. La prise de son que Michel Lachance, l’ingénieur, a faite était fabuleuse.»
Devant cette découverte, les deux musiciens ont été envahis par l’émotion.
«On a pleuré, reconnaît Louis Valois. On était hors de nous. Imagine. Tu te retrouves 40 ans plus tard avec, dans les mains, tous les éléments qui peuvent te permettre de dire ce que tu veux dire,
finalement.»
«C’est extraordinaire, ajoute Serge Fiori. On écoutait les pistes et c’était tellement pur que ç’aurait pu avoir été enregistré hier.»
REVIVRE L’HEPTADE
Parce qu’ils n’avaient pu «vivre» le mixage de leur oeuvre à l’époque, Serge Fiori et Louis Valois ont décidé de se replonger dans L’Heptade.
«Quarante ans plus tard, c’est comme une revanche! lance Fiori en riant. En écoutant la version originale, il y a des choses qu’on voulait améliorer. Surtout sur le plan de la voix, des guitares, de la basse. Un son plus chaud, plus «front» (à l’avant-plan). Avec la technologie, 40 ans plus tard, «on se paie une traite»!»
Les amateurs de L’Heptade original n’ont pas à avoir peur. Serge Fiori et Louis Valois assurent qu’ils n’ont pas voulu dénaturer l’oeuvre qui était déjà là.
«Il y en a beaucoup qui m’ont dit: “touche pas à mon Heptade!” mentionne Valois. Mais je ne touche pas à ton Heptade, je te donne une relecture différente. Si tu veux retourner à L’Heptade, l’album existe toujours.»
AUDACES SONORES
Mis à part le nouveau mixage de certaines pistes, les deux musiciens se sont permis «quelques audaces».
«Dans Le Corridor, on a refait une portion, dit Fiori. On a enregistré un duo avec Monique Fauteux. J’avais toujours voulu en faire un sur l’album, mais pour des raisons thématiques, on ne l’avait pas fait.»
«On entend maintenant mieux certains sons, alors qu’on a enlevé quelques autres affaires, ajoute Louis Valois. Ce sera aux fans de trouver lesquelles!»
Ainsi donc, si au cinéma il existe la director’s cut (la version du cinéaste), Serge Fiori et Louis Valois proposent ici, avec L’Heptade XL, leur musician’s cut.
«C’est vraiment ça! dit Serge. Ce qui est fabuleux, c’est qu’en écoutant les pistes, on avait le souvenir précis de comment on les avait faits. C’était instantané. Je me retrouvais en 1976.»