Le Journal de Montreal - Weekend
AU BOUT DE SOI
Dans les forêts de Sibérie
Film de Safy Nebbou
Avec Raphaël Personnaz, Evgueni Sidikhine Oubliez Le revenant avec Leonardo DiCaprio, voici l’histoire vraie – considérablement adaptée – de Sylvain Tesson, un homme qui a passé l’hiver en Sibérie, au bord du lac Baïkal.
Teddy (Raphaël Personnaz, qui porte le film sur ses épaules), chef de projet multimédia, en a ras le bol de sa vie, de l’agitation, du bruit. Il décide donc d’acheter une bicoque au bord du lac Baïkal, à des kilomètres de toute civilisation et de tout voisin et d’y vivre pendant un an. Le vendeur le prend pour un fou, mais Teddy exulte.
Sur la splendide et exaltante musique d’Ibrahim Maalouf, trompettiste libanais qui a notamment travaillé avec Lhasa de Sela et Vanessa Paradis, on assiste à toutes les découvertes de Teddy. Celles des soleils levants et couchants, celles du patinage sur le lac gelé, du cassage de la glace pour avoir de l’eau ou des longues journées sans un bruit autre que celui du vent et de l’eau.
Mais il y a aussi le froid. La nature féroce. La forêt, celle dans laquelle il se blesse le pied dans un piège à ours. La neige, la glace, les tempêtes. Celle dans laquelle il se perd et est sauvé par un inconnu qui s’en va.
D’INCONNU À AMI
Renseignements pris auprès d’un contact, l’un de ces hommes qui semble tout pouvoir se procurer au milieu de nulle part, l’inconnu pourrait être un Russe recherché pour meurtre qui se terre dans l’immensité sibérienne. Teddy fait sa connaissance et les deux hommes deviennent amis.
Les scènes les plus étonnantes du film sont probablement celles-là. Car si, au début, Teddy se charge de traduire ce que dit Aleksei (Evgueni Sidikhine), dont les dialogues ne sont pas sous-titrés, il abandonne peu à peu, le réalisateur Safy Nebbou utilisant cette méthode pour montrer que Teddy ne comprend pas les paroles de son interlocuteur. Et, tout comme le protagoniste, le spectateur finit par saisir intuitivement, à l’oreille, aux intonations, aux expressions d’Aleksei, une partie de son histoire. De la même manière que dans Le revenant – et la comparaison s’arrête là –, la nature finira par exiger son comptant de sacrifice. Teddy, tout comme Sylvain Tesson, en sortira transformé… et le spectateur aura l’occasion, pendant 99 minutes, de se poser quelques questions sur le sens de la vie.