Le Journal de Montreal - Weekend
AVENIR OU MENACE POUR LA TÉLÉVISION ?
Facebook se hisse à vitesse grand V dans la cour des diffuseurs de vidéos, jouant du coude avec les chaînes de télévision traditionnelles, offrant de plus en plus de matériel original.
Le réseau social créé par Mark Zuckerberg s’adapte rapidement aux goûts du marché. S’il a, comme d’autres médias sociaux, grugé les revenus publicitaires de la presse écrite, un phénomène similaire est en train de s’exercer avec la télévision. Parallèlement, les émissions ne peuvent plus «être» sans sa présence pour mesurer et solidifier l’engagement, mais aussi pour joindre un public volatile.
«Facebook se positionne présentement comme le média nº1 pour la découverte de nouveaux contenus vidéo, affirme Sylvain Martel, responsable des ventes marketing et partenariats stratégiques (Chief Revenu Officer) chez Seevibes. Dans sa portée, Facebook rejoint quotidiennement l’équivalent d’un Superbowl.» Pour celui qui a fondé le bureau québécois de Facebook en 2013, avant de faire le saut chez Seevibes il y a deux mois, Facebook n’est pas une menace pour la télévision, quoique celle-ci doit s’adapter. «Facebook doit s’associer à des producteurs de contenus plutôt que de les remplacer.»
CRÉER DE L’ATTACHEMENT
En septembre seulement, près de 8 millions de vidéos auraient été lancées sur Facebook générant plus de 208 milliards de vues. Et si, jusqu’à maintenant, on utilisait Facebook et les autres réseaux sociaux pour faire croître l’attachement du public à une marque ou une émission en ajoutant des contenus exclusifs en parallèle ou en communiquant avec ses abonnés, ces plateformes jouent de plus en plus dans les platebandes de la télé traditionnelle. Un utilisateur de Facebook attaché à la page d’une de ses productions télé préférées a des chances de tomber sur un Facebook Live, tendance grandissante. «Le Facebook Live a remplacé la webcam, observe Stéphane Mailhiot, vice-président de la stratégie et responsable du service pour le Québec de Havas Woldwide Canada, révélant les coulisses d’une émission. La prochaine étape est d’y programmer des contenus faisant croire au direct.» Vingt-neuf millions d’internautes ont d’ailleurs été bernés la semaine dernière par des images de la Terre supposément en provenance de la station spatiale internationale laissant croire à une sortie dans l’espace. Une vidéo qui datait de plus d’un an.
ZAPPING HORS TÉLÉ
«On entend depuis un certain temps que la télévision est en crise, qu’elle
doit renouveler sa base d’auditeurs et que les jeunes, qu’elle cherche à séduire, sont maintenant sur les plateformes numériques, explique Mailhiot. On regarde plus de vidéos, mais moins de télévision. Le zapping se fait maintenant sur Facebook.»
En mars dernier, la chaîne câblée américaine E! lançait son premier talkshow en Facebook Live. Live from E! est un rendez-vous quotidien de 20 minutes, diffusé à 12 h 30, qui relaye les dernières informations dans le domaine artistique, simplement filmé avec un IPhone 6. Ricky Gervais donne régulièrement des nouvelles de son chat via un Facebook Live.
Fox Sports et le Sports Illustrated se sont récemment associés pour produire Live @ the World Series, une émission d’avant-match lors du dernier championnat de baseball. L’expérience sera répétée pour le SuperBowl et possiblement d’autres événements sportifs grandioses.
En France, on a assisté cette semaine à la naissance de Brutus, première émission politique diffusée en Facebook Live. Alain Juppé y a été le premier invité. ABC a diffusé les débats présidentiels en direct sur Facebook, ayant un réel effet sur les inscriptions aux listes électorales. Bref, ce qui risque de faire jaser trouve rapidement sa place sur la plateforme.
UNE VALEUR MONNAYABLE
Facebook est une entreprise lucrative. Mais le modèle de financement en tant que producteur est actuellement à l’essai. «L’avantage de Facebook est qu’il garde une connaissance du lecteur. Et la pub est géolocalisée, mentionne Stéphane Mailhiot. Facebook est le champion pour te mettre une publicité de bottes que t’as cherchée sur internet. Sans payer pour le contenu, il se fait de l’argent.» Alors qu’un YouTuber qui atteint un certain nombre de clics reçoit un pourcentage des revenus.
«La plateforme s’insère entre un contenu et un usager en se prenant une cote au passage, poursuit-il. La solution serait qu’il y ait une alliance entre Facebook et les chaînes télé pour qu’il y ait un partage des revenus. On doit assurément redéfinir les bases du financement public.» Selon Sylvain Martel, Facebook développerait en coulisses des méthodes de financement assurant une pérennité avec les producteurs de contenu. Messenger risque d’occuper aussi une place grandissante dans la diffusion de contenu prochainement. «Être associé à une plateforme bien implantée est plus rapide que de trouver un distributeur, explique Benoit Beaudoin, directeur des contenus numériques de TV5. C’est une communauté prête à recevoir du contenu. Le sous-titrage est automatiquement déclenché sur une vidéo sur Facebook, sans géoblocage. Le seul souci c’est qu’il n’y a pas de retour sur le financement.»