Le Journal de Montreal - Weekend
VENGEANCE OU JUSTICE ?
Sept ans après Un homme seul (2009), Tom Ford livre Animaux nocturnes, une élégante histoire avec Amy Adams et Jake Gyllenhaal, qui a remporté le Grand prix du jury à Venise.
Avec ces trois histoires imbriquées l’une dans l’autre, Tom Ford réussit à garder son Animaux nocturnes d’une simplicité étonnante et d’une efficacité redoutable, distillant les informations au comptegouttes, faisant ainsi de son drame psychologique de 116 minutes un suspense attrayant.
Susan Morrow (Amy Adams) est la propriétaire d’une galerie d’art branchée – le générique d’ouverture est d’ailleurs filmé sur fond de son expo de meneuses de claques obèses… nues – à Los Angeles et est mariée à Hutton (Armie Hammer), un homme d’affaires aussi à court d’argent qu’il est distant.
Elle reçoit le manuscrit, qui lui est dédié, du roman d’Edward Sheffield (Jake Gyllenhaal), son ex-mari, et en entame la lecture. Violente et dure, la fiction met en scène Tony Hastings (également joué par Jake Gyllenhaal), sa femme Laura (Isla Fisher, parfaite en interprétation romanesque d’Amy Adams) et leur fille India (Ellie Bamber). Le trio part en vacances, en voiture et de nuit, dans le fin fond du Texas. Le pire ne tarde pas à se produire lorsque la famille est attaquée par un groupe d’hommes mené par Ray Marcus (Aaron Taylor-Johnson, stupéfiant en dégénéré sanguinaire).
HISTOIRES PARALLÈLES
Ces deux histoires sont menées en parallèle, Ford suivant Susan Morrow au fur et à mesure de sa lecture du roman et juxtaposant ses réactions et sa vie à celle d’Edward. De plus, le passé du couple est révélé au travers de souvenirs réveillés par le roman.
Comme pour Un homme seul, l’histoire somme toute banale au visuel hyper léché – Ford a ici librement adapté Tony and Susan d’Austin Wright – prend une épaisseur particulière, chaque décor froid et propre cachant des drames parfois sordides, l’âme des personnages étant constamment en opposition avec la perfection esthétique de l’environnement. Ceci est particulièrement notable dans la scène avec Laura Linney en mère de Susan ainsi que celle avec Michael Sheen qui incarne l’époux gai d’une femme riche (il a d’ailleurs cette réplique assassine: «Crois-moi, notre monde est beaucoup moins douloureux que le vrai»).
La notion de vengeance, de justice ou de karma, selon le point de vue du spectateur, est omniprésente dans le film puisqu’elle est la motivation d’Edward et de Tony. De plus, Animaux nocturnes est un long métrage d’oppositions, celle entre Susan et Edward, entre Susan et Hutton, entre les extérieurs froids de Los Angeles et ceux, gorgés de soleil, du Texas (à noter la présence de Michael Shannon en shérif), entre le monde réel et celui du «junk» artificiel des galeries d’art, entre les sentiments des protagonistes, etc. On ne se lasse jamais de la maîtrise de Tom Ford et de ses acteurs et le tout est assuré de faire du bruit en cette saison de remise de prix.