Le Journal de Montreal - Weekend

DIFFÉRENTS LES VISAGES DE NELLY ARCAN

La cinéaste Anne Émond ne se cache pas pour le dire: porter à l’écran le destin tragique de l’écrivaine Nelly Arcan était un projet casse-gueule. C’est donc avec une certaine nervosité qu’elle s’apprête à présenter son film Nelly au public québécois, aprè

- Maxime Demers

«En m’intéressan­t à ce sujet, je savais dès le départ que c’était risqué et que peu importe ce que j’allais faire, il y aurait des gens contents et d’autres mécontents, a admis Anne Émond (Les être chers, Nuit #1), en entrevue au Journal.

«Je suis consciente que le film est très attendu parce que les gens au Québec se souviennen­t bien de Nelly Arcan et qu’ils ont l’impression de bien la connaître. Mais je n’ai pas la prétention de dire que mon film donne des réponses sur sa vie. Je suis fière du film et j’ai l’impression d’avoir dévoilé une facette d’elle. Mais mon film démontre que c’est impossible de raconter la vie de quelqu’un en deux heures avec toute sa complexité.»

Nelly n’a pas été conçu comme un drame biographiq­ue convention­nel. Plutôt que de raconter simplement la vie de l’auteure des romans Putain et Folle qui s’est enlevé la vie en 2009 à l’âge de 36 ans, le film d’Anne Émond met en scène quatre personnage­s (tous joués par l’actrice Mylène Mackay) qui représente­nt chacun différente­s étapes de la vie et l’oeuvre de Nelly Arcan. On y découvre donc Nelly la star, mais aussi la putain, l’amoureuse toxique et, bien sûr, l’écrivaine.

«J’avais d’abord écrit une version du scénario qui était plus convention­nelle, rappelle Anne Émond. Mais j’ai finalement décidé de ne pas la tourner et de m’en éloigner. Parce que même si j’avais fait des années de recherche sur Nelly, je ne la reconnaiss­ais pas dans ce premier scénario.»

«C’est en continuant à réfléchir à elle que j’ai eu l’idée de parler de son histoire à travers différents personnage­s. Ça me semblait être une belle occasion de faire des liens entre sa vie et les destins tragiques d'autres femmes artistes qui se sont brûlées. Je pense à Marilyn Monroe mais aussi à Amy Winehouse, Virgina Woolf ou même Dalida. J’ai voulu faire un film sur ce que ça représente être une femme aujourd’hui.»

D’UNE NELLY À L’AUTRE

L’actrice Mylène Mackay (Embrassemo­i comme tu m’aimes) a adhéré tout de suite à la propositio­n d’Anne Émond. En prêtant ses traits aux quatre Nelly du film, elle s’est fait un devoir de les aborder comme quatre personnage­s différents:

«J’avais besoin de trouver un corps et une voix différente pour chacune d’elle, souligne l’actrice. Mais il y a des liens qui les unissent. On retrouve dans chacune d’elle une douleur profonde et une angoisse. Elles sont toutes perdues dans le regard des autres et le désir de plaire.» Mackay, qui connaissai­t déjà très bien l’oeuvre de Nelly Arcan avant d’embarquer dans ce projet, se dit encore fascinée par l’intelligen­ce et la lucidité de la regrettée écrivaine: «C’est troublant de voir à quel point une femme aussi intelligen­te était incapable d’aller vers la lumière. Elle vivait les choses de façon extrêmemen­t violente et elle était autodestru­ctrice. Son intelligen­ce et sa lucidité se retournaie­nt donc contre elle. Dans les écrits qu’elle a laissés, elle a été capable de nommer des choses que tellement peu de femmes sont capables de nommer. Je crois que son oeuvre va continuer de faire parler encore longtemps.» Le film Nelly prend l’affiche le vendredi 20 janvier.

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Mylène Mackay dans une scène du film Nelly.

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