LA HIGUERA, VILLE SAINTE DU CHE

Le destin s’est assuré de faire mourir Che Guevara dans un village sinistre et constamment mangé par le brouillard: La Higuera, en Bolivie.

La vie ici, au sommet de la cordillère des Andes, se déroule dans un nuage, littéralement. La statue du Che qui se détache plus ou moins nettement dans la brume donne l’impression de pouvoir s’animer à tout moment… Le lieu est si fantomatique, et l’oxygène si rare, que l’on est étonné de tomber sur des habitants aussi gentils envers les voyageurs. Ce bled compte à peine 100 villageois… et presque autant de chiens affamés qui passent leur vie à quémander de la nourriture. Ironie du sort: ce que tout le monde boit ici, dans ce hameau au milieu de la jungle, où l’agriculture de subsistance est la seule industrie, c’est du Coca-Cola… signe que le guérillero argentin n’a pas eu gain de cause.

Donc, c’est ici qu’Ernesto Che Guevara a été exécuté, par l’armée bolivienne, dans une école qui a été détruite, par la suite, pour devenir un musée (sans intérêt, malheureusement). Le révolutionnaire était sur le point de s’emparer d’un village, Pucara, lorsqu’il a été blessé d’une balle à la cheville, au pied d’un arbre. De là, on l’a transporté à La Higera pour décider de son sort… qui fut la mort: deux balles au coeur.

Celui que plusieurs considèrent comme un Christ moderne a par ailleurs son propre «Judas»: en effet, la personne qui l’a dénoncé à l’armée, prise de remords, est morte de peine en apprenant «qui» elle venait de tuer. La Higuera a été comme «sanctifiée» par la mort de l’illustre personnage. Chaque bâtiment comporte des slogans, des décorations, des éléments en relation avec le Che. Quelque 4000 admirateurs viennent ici chaque année.

La vie est rudimentaire à La Higuera. L’école enseigne jusqu’à la 3e année seulement. Pas d’église. Pas de chauffage. C’est fou de penser que ce hameau perdu s’est soudainement retrouvé sur la carte grâce au sacrifice d’un homme qui, loin de réussir à soulever le peuple, s’est trouvé à devenir pour lui un nouveau «saint que l’on prie, comme on le fait avec la Vierge. Le Che n’a certainement pas cru que, vivant, il susciterait l’indifférence des paysans, mais que, mort, il exciterait leur dévotion!

Ces hommes s’adonnent à un passe-temps bolivien typique : fumer des cigarettes en buvant du Coca-Cola…

C’est fou de penser que le gouvernement bolivien, qui a tué le Che, a financé sa «résurrection» avec ces statues. Ce ne sont pas les villageois qui ont payé pour ça. Comme quoi le temps change les choses. Il n’y a pas si longtemps, les responsables...

Une statue surdimensionnée du Che orne la place centrale du village: ça fait changement de notre maudite colonne Nelson!

Cette vieille femme se souvient des événements du 8 octobre 1967 et exhibe un journal étranger qui parle d’elle.