Le Journal de Montreal - Weekend

REPOUSSER LES LIMITES DU 7e ART

Le titre est une citation d’Antoine de Saint-Just, homme politique et révolution­naire français du 18e siècle. Le propos, lui, est résolument fleurdelis­é, puisque Mathieu Denis (Corbo) et Simon Lavoie (Le torrent) s’intéressen­t au printemps érable, c’est-à

- Isabelle Hontebeyri­e Avence QMI

Ils sont quatre jeunes à honnir le système. Lorsqu’on croise Tumulto (Laurent Bélanger). Klas Batalo (Gabrielle Tremblay), Ordinne Nuovo (Emmanuelle Lussier-Martinez, l’inoubliabl­e employée d’Hydro dans Les mauvaises herbes) et Giutizia (Charlotte Aubin) pour la première fois, ils sont en train de casser les ampoules électrique­s, qui éclairent de gigantesqu­es panneaux publicitai­res.

Sacré meilleur film canadien au Festival internatio­nal du film de Toronto (TIFF) l’an dernier, Ceux qui font les révolution­s à moitié… est une oeuvre qui repousse les limites du cinéma. D’abord par sa durée. À 184 minutes (soit 3 h 04), le long métrage en impose. Ensuite, par sa forme, le duo de cinéastes s’amusant à changer de format d’image tout au long du film, une démarche loin d’être gratuite qui bonifie l’expérience cinématogr­aphique. Et enfin par l’utilisatio­n d’une musique brillammen­t choisie, souvent cacophoniq­ue, sur laquelle les voix off nous entraînent dans une réflexion habilement menée sur le cheminemen­t révolution­naire du quatuor.

Cette expérience multisenso­rielle inédite pourrait n’être qu’un exercice de style, mais il n’en est rien. Les personnage­s sont présentés d’une manière froide, analytique et sont rapidement mis en face de leurs contradict­ions. Parsemant leur propos d’images d’archives, de reportages sur la crise étudiante, Mathieu Denis et Simon Lavoie nous rappellent parfois Le temps des bouffons de Pierre Falardeau. L’obscénité de la société est la même, la violence économique réelle, l’indifféren­ce générale est captée, saisie au vol et fixée par le regard des quatre jeunes.

CONTRADICT­IONS

C’est également un souffle de liberté qui traverse Ceux qui font les révolution­s à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. Tumulto, Klas, Ordinne, Giutizia, ils sont tous libres. Libres de contrainte­s, délivrés de l’hypocrisie sociale, prêts à créer un monde nouveau. Et, étrangemen­t, c’est ce qui rend leurs contradict­ions et le cul-de-sac intellectu­el dans lequel ils s’engouffren­t d’autant plus criants et cruels.

OEuvre impression­nante à la technique pleinement maîtrisée, Ceux qui font les révolution­s à moitié… prouve qu’il souffle bien un vent nouveau sur le cinéma québécois. On a pu le constater l’an dernier avec des propositio­ns telles que King Dave, Sept vies, etc. Si ce long métrage souffre peut-être d’un manque d’émotion – le cinéphile en tire un plaisir purement intellectu­el et à moitié sensoriel (la vue et l’ouïe) –, il n’en demeure pas moins qu’il faut saluer l’initiative et être fiers d’avoir un cinéma capable de nous donner un film aussi audacieux.

 ??  ?? Ceux qui font les révolution­s à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau a été sacré meilleur film canadien au TIFF. Ceux qui font les révolution­s à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau Film de Mathieu Denis et Simon Lavoie. ∂∂∂∂∂ Avec...
Ceux qui font les révolution­s à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau a été sacré meilleur film canadien au TIFF. Ceux qui font les révolution­s à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau Film de Mathieu Denis et Simon Lavoie. ∂∂∂∂∂ Avec...

Newspapers in French

Newspapers from Canada