Le Journal de Montreal - Weekend
CHRONIQUE D’UNE VENGEANCE ORDINAIRE
Avec son nouveau film, l’Iranien Asghar Farhadi (Une séparation) montre une fois de plus sa capacité à saisir la psyché humaine.
Usant de métaphores et de parallèles visuels, le cinéaste et scénariste iranien, récipiendaire de l’Oscar du meilleur film étranger pour Une séparation, offre l’examen subtil du désir de vengeance.
Emad (Shahab Hosseini) et Rana (Taraneh Alidoosti) sont tous deux acteurs. De jour, Emad est professeur dans une école et, le soir, ils font partie de l’adaptation de Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller. Ils sont heureux, le seul problème majeur de leur existence venant de l’effondrement d’une partie de leur immeuble, ce qui les force à se trouver rapidement un autre appartement.
Leur nouvelle demeure – et Asghar Farhadi est maître dans l’art du sous-entendu, dans lequel on pourra voir une manière de contourner la censure du régime de Téhéran – est l’ancien logement d’une prostituée, qui a laissé derrière elle quelques objets. Un soir que Rana se trouve sous la douche, elle est violemment agressée.
Là encore, le cinéaste donne peu de détails sur ce qui s’est produit. Le spectateur est comme Emad, réduit à des supputations, réduit à imaginer le pire. Passés la stupeur et le choc, le mari n’a plus qu’une seule idée en tête: trouver le coupable et se venger. Pas question d’aller voir la police, ce drame se joue entre le couple. La tension monte. Emad finit par démasquer l’homme qui a agressé sa femme. C’est lors de ce face à face que le visage de chacun se dévoilera.
Le cinéma d’Asghar Farhadi est classique. Longs plans-séquences, dialogues, silences, le réalisateur prend le temps de situer ses personnages dans l’espace qu’ils occupent. Les amateurs de la pièce de Miller y verront indubitablement le parallèle voulu entre réalité et illusion et tireront leur propre conclusion quant à la fin du long métrage.