Le Journal de Montreal - Weekend
DE POLAR À QUÊTE INTÉRIEURE
Un film de Benoît Pilon. Avec Marie-Josée Croze, François Papineau, Natar Ungalaq
Dans Iqaluit, Benoît Pilon utilise les paysages grandioses du Nunavut comme écrin à l’évolution d’une femme en quête de réponses incarnée par Marie-Josée Croze.
Gilles (François Papineau) travaille six mois par année sur les chantiers d’Iqaluit, capitale du Nunavut. Avec son ami et collègue Victor (Sébastien Huberdeau), Gilles s’est intégré à la vie locale, fréquentant la famille de Noah (Natar Ungalaq).
Carmen (Marie-Josée Croze), sa femme, accourt lorsque Gilles est transporté à l’hôpital. Il est dans le coma après avoir été retrouvé dans un terrain vague, puis décède brutalement. Initialement sous le choc, Carmen va peu à peu se pencher sur la vie de son mari et découvrir qu’elle n’en savait pas grand-chose.
Amené d’abord à la manière d’un polar – Carmen fait la tournée des autorités afin de chercher à comprendre ce qui a bien pu causer l’accident, si tenté que cela en soit un, de Gilles –, le long métrage de 103 minutes se transforme ensuite à la fois en quête intérieure et en examen de la vie des Inuits à Iqaluit.
À son personnage de Carmen, MarieJosée Croze apporte une force intérieure indéniable, même (et surtout?) si la femme de Gilles est habitée par le doute et les suspicions pendant une bonne partie du long métrage. En Gilles, François Papineau, lors de ses brèves apparitions, semble en parfaite adéquation avec ce paysage majestueux, ce qui renforce d’autant l’impression, en partie fondée, de scission du couple.
De plus, si tous les acteurs sont bons, il faut souligner la performance de Christine Tootoo, dont c’est la première apparition à l’écran, en Ani. Lumineuse, elle confère une grâce tranquille à ce personnage qu’il eût été facile de reléguer à l’arrière-plan en raison de sa relation avec Gilles.
En choisissant le Nunavut, Benoît Pilon a été inspiré. Le travail de Michel La Veaux à la direction photo est à souligner, tant il a su capter la lumière si particulière de la région. Le propos social n’est jamais omniprésent – même s’il est important – et les blessures des personnages sont habilement montrées en demi-teintes.
Le hic, c’est que la promesse de «film policier» (S’agit-il d’un meurtre? Si oui, pourquoi?) est vite éclipsée par le cheminement intérieur de Carmen et la situation de la famille de Noah. Si la démarche demeure intéressante, le spectateur, lui, ne peut totalement adhérer à ce revirement.