Le Journal de Montreal - Weekend
ESPIONNAGE À LA FRANÇAISE
François Cluzet est impeccable en ancien comptable qui se retrouve mêlé à une sombre affaire d’espionnage dans ce thriller glaçant de Thomas Kruithof.
Pour son premier film – écrit et réalisé par ses soins –, Thomas Kruithof a décidé de plonger le public dans une ambiance froide, sombre, austère, et cet univers exempt de points de repère contribue à créer le plus inquiétant des films d’espionnage.
Daniel Duval (François Cluzet qui a, de temps en temps, des airs de Dustin Hoffman dans Le coureur de marathon) est un comptable tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Il travaille dans une compagnie d’assurances et sent que son âge – il approche de la cinquantaine – commence à jouer en sa défaveur. Et ça ne rate pas. Son employeur le pousse au surmenage et il finit au chômage.
Cet ancien amateur de boissons fortes, qui fréquente régulièrement les réunions des Alcooliques anonymes, peine à trouver un emploi. Les mois passent, les années, deux pour être précis. Il décroche enfin un entretien prometteur. Après une série de questions sur ses allégeances politiques, sa discrétion, etc., il se fait proposer un emploi mystérieux par le non moins énigmatique monsieur Clément (Denis Podalydès).
Duval est donc chargé de retranscrire des appels téléphoniques. Signe que nous nageons en pleine paranoïa, le travail s’effectue sur une machine à écrire, dans un appartement vide, avec toute transcription erronée promise à la déchiqueteuse. Au départ, notre homme effectue le travail mécaniquement, les conversations sont banales (une mère de famille par exemple), puis les appels deviennent plus inquiétants, indiquant à Duval qu’il oeuvre sur des bandes d’écoutes téléphoniques. Conversations de journalistes, d’hommes de loi, de politiciens… peu à peu, le tout devient inquiétant jusqu’au moment où il entend un homme se faire tuer.
En plaçant son personnage principal dans un décor quasiment vide, en utilisant des éclairages minimalistes, en choisissant des teintes sombres, Thomas Kruithof développe soigneusement une atmosphère de plus en plus étouffante. Le personnage de Denis Podalydès, glacial et sans scrupules, face à celui de François Cluzet, citoyen ordinaire perdu dans cette situation dans laquelle s’affrontent puissants, services secrets et contreespionnage, crée un malaise palpable chez le cinéphile qui sort de ces 93 minutes avec l’impression que lui aussi aurait pu, comme Duval, se faire manipuler.