Le Journal de Montreal - Weekend

SUR LES RAILS DE L’INDE CONFORT SOMMAIRE

Quelques récits de voyage ont suffi à me donner envie de vivre l’expérience des trains indiens. Pour une somme dérisoire (environ 750 roupies, soit 15 $), on traverse le sous-continent indien du nord au sud. Même si les voyageurs montés sur les toits des

- Benjamin Mayette Collaborat­ion spéciale

Obtenir un billet peut être un véritable parcours du combattant dans ce pays. Son réseau ferroviair­e, qui roule à plein régime, est complet trois mois à l’avance. Si vous aimez tout planifier avant de voyager, tant mieux, vous pourrez réserver en ligne. Par contre, les plus spontanés devront trouver d’autres moyens.

Si vous vous rendez en Inde avec un visa de tourisme, vous pourrez profiter des quotas sur certains trajets reliant la plupart des grandes villes. Des places réservées aux touristes étrangers existent sur quelques trains. Dans certaines gares, il n’est même pas nécessaire de faire la file! Avec un peu de chance, il y aura un bureau de tourisme qu’il suffit de localiser dans la gare. C’est le cas notamment pour les gares de Chennai et Varanasi. Pour celles de Jaipur et Mumbai, il faut se contenter d’un guichet et patienter une petite heure.

Normalemen­t, réserver la veille, voire le jour même, suffit, sauf peut-être pour le trajet Mumbai-Goa. Beaucoup de touristes transitent à Mumbai avant de filer vers les plages pendant la saison sèche. C’est d’ailleurs, le seul train à bord duquel j’ai rencontré d’autres touristes étrangers.

Lorsque ces places ne sont pas réclamées, elles sont vendues par le programme Tatkal avec un système de liste d’attente qui permet de trouver une place à la dernière minute. C’est une bonne solution s’il n’y a pas de quota touristiqu­e pour le trajet envisagé. Par contre, une place n’est pas garantie et il faut parfois faire la file plusieurs heures, à moins de passer par l’agence de voyages du coin qui s’occupera des démarches pour vous.

Les places réservées par quotas touristiqu­es sont toujours en sleeper class. C’est la moins luxueuse de celles où on peut s’allonger. Ouvertes aux quatre vents, elles ont trois niveaux de couchettes. Je préfère celles du bas pour la fenêtre. Elles n’ont pas de vitres, donc on sent la brise. Sur les couchettes du haut, on n’est jamais dérangé, mais elles sont plus sombres.

Le confort est sommaire, mais l’expérience en vaut la peine. Comme dans tout train, on n’a qu’à se détendre, lire, écouter de la musique et regarder le paysage défiler. La plupart des autres passagers rencontrés ne parlaient pas anglais. Nos conversati­ons par signes étaient élémentair­es. Pour la nourriture, elle vient à vous. Pendant les arrêts, des vendeurs de bouteilles d’eau, chais et mets de tous les jours, riches en blé et en riz, font leur tournée dans les voitures. Ils ont plusieurs occasions de le faire. Les arrêts sont fréquents et ajoutent à la lenteur. Par exemple, le trajet Chennai-Varanasi, près de 1400 km à vol d’oiseau, prend 38 h avec deux nuits passées dans le train…

L’INDE VÉRITABLE

Si un long voyage ne vous décourage pas, vous vivrez l’Inde qu’on ne croise dans aucun aéroport. On voit des enfants préscolair­es balayer entre les couchettes en espérant quelques pièces. J’ai aussi vu mendier plusieurs handicapés, une hijra surexcitée (caste des transgenre­s), qui m’a embrassé sur la tête, et un garçon qui se traînait avec son singe de compagnie.

La nuit, ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une place attitrée s’allongent au sol entre les couchettes ou aux portes des voitures, à côté des toilettes. Ils sont nombreux. Je m’y suis résigné une fois après avoir pris le bon train… mais à la mauvaise date. Heureuseme­nt, les étrangers sont objets de curiosité. J’attirais l’attention à arpenter les couloirs pendant la nuit à la recherche des meilleures toilettes à côté desquelles poser mon sac à dos. Une jeune Indienne m’a alors offert sa couchette dont elle n’avait pas besoin.

Même avec une place attitrée, on peut vouloir s’asseoir sur les marches de la voiture pour changer d’environnem­ent. Les portes ne sont jamais verrouillé­es. Un voyageur retardatai­re peut toujours sauter à bord du train qui se met en branle. Une fois, après être descendu pendant un arrêt, j’ai vu mon train qui s’activait. Encouragé par des employés de la gare, j’ai sauté du quai et traversé les voies pour regagner le train. Avec mon sac à dos de 20 kilos, j’ai eu du mal à prendre pied, mais d’autres passagers m’ont hissé à bord.

Sur les quatre trajets effectués, je n’ai subi aucun retard. Les incidents peuvent être plus fréquents pendant la mousson, lorsque des inondation­s endommagen­t les voies. Les rails de l’Inde ne sont pas un long fleuve tranquille, mais offrent une expérience unique.

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