Le Journal de Montreal - Weekend
BLESSURES DE GUERRE
Le noir et blanc se prête admirablement au difficile sujet qu’est la Première Guerre mondiale (Le ruban blanc de Michael Haneke ou encore Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick), et c’est ce qu’a choisi François Ozon pour Frantz, même s’il alterne a
Anna (Paula Beer) était la fiancée de Frantz (Anton von Lucke), mort dans les tranchées à l’âge de 24 ans. En 1919, elle habite avec les parents de ce dernier, Hans (Ernst Stötzner) et Magda (Marie Gruber) Hoffmeister, dans un petit village allemand et va se recueillir sur la tombe de son soupirant décédé. Un jour, elle remarque un inconnu qui, lui aussi, dépose des fleurs sur le tombeau de Frantz.
L’inconnu en question est un Français, Adrien Rivoire (Pierre Niney, vu dans Yves Saint-Laurent), ami de Frantz. Au fil de son séjour, Adrien développe une relation intense – mais résolument placée dans le non-dit – avec Anna et apporte un réconfort certain aux Hoffmeister, le trio reportant sur le Français tout l’amour qu’ils vouaient à Frantz.
Adaptation libre de L’homme que j’ai tué (Broken Lullaby) d’Ernst Lubitsch, lui-même tiré de la pièce de théâtre éponyme de Maurice Rostand, Frantz devient une oeuvre de François Ozon (Jeune et jolie, Une nouvelle amie) dans sa deuxième partie, lorsque le focus se fait sur Anna, qui part à Paris à la recherche d’Adrien.
On retrouve également, tout au long du long métrage de 113 minutes, l’analyse psychologique des personnages, les sous-entendus et l’ambigüité (notamment dans la relation entre Frantz et Adrien) propres au cinéaste d’outre-Atlantique. Antiguerre, Frantz laisse aussi entrevoir – par les dialogues uniquement – toute l’horreur de ce conflit, les séquelles vécues par les soldats, leur incapacité à se réhabituer à la vie civile et les germes du désir de vengeance de l’Allemagne qui débouchera sur le nazisme. Le mensonge, le remords et le pardon sont également adroitement explorés dans ce très beau scénario signé par Ozon conjointement avec Philippe Piazzo. À voir.