Le Journal de Montreal - Weekend
LES FELQUISTES ET LA PÈGRE
Les mêmes hôtels qui hébergeaient les criminels américains en vacances et avides de plaisirs ont, par la suite, servi de lieux de résidence aux révolutionnaires en cavale du monde entier, y compris ceux du Québec, qui avait posé des bombes ou kidnappé un diplomate ou un ministre…
Je me souviens qu’en me baladant dans la ville, l’ancien felquiste Pierre Charrette m’a reconnu et hélé. Il avait détourné un Boeing 727 de la National Airlines en partance de Miami pour le forcer à atterrir à Cuba, où il voulait se réfugier.
Le pauvre s’ennuyait terriblement de chez lui! Il avait le mal du pays. Mais s’il rentrait, c’était la prison.
Lorsqu’il croisait des Québécois, il venait leur parler pour demander des nouvelles ou des journaux qu’on pouvait lui donner.
C’était avant l’internet et la télévision câblée. En 1978, vivre à La Havane, au Deauville, ancien hôtel mafieux devenu une résidence pour réfugiés politiques, c’était être coupé du reste du monde.
Mais le temps passe, et tout change. Ces dernières années, Pierre Charrette est mon voisin, sympathique, à L’Îledes-Soeurs; bref, il est passé d’une île à l’autre!
Au cours de mon dernier voyage à Cuba en février, je me suis amusé à faire la tournée de ces hôtels financés par la pègre chassée par Fidel Castro, qui les a nationalisés. Je logeais au Séville à la chambre 539, directement sous celle d’Al Capone, la 639, que le gangster vieillissant, après avoir purgé sa peine à Alcatraz, occupait en attendant la construction de sa maison à Varadero… dont il n’a jamais pu profiter, étant mort avant.
Tous les gros caïds américains investissaient dans les hôtels et casinos de Cuba, contrôlaient les réseaux de prostitution et de trafic d’alcool, tout en versant un pourcentage à Batista, qui fermait les yeux. Puisque les autorités cubaines ont eu la bonne idée de revamper toutes les bagnoles antiques qui circulent à La Havane, l’illusion de voyager dans le temps, avec ces hôtels à la mode des années 1920, 1930, 1940 ou 1950, est encore plus forte.