Le Journal de Montreal - Weekend
«ON N’A JAMAIS VÉCU DE ÇA
En 1997, le jeune groupe québécois Lili Fatale connaissait un très beau succès, avec ses pièces Feels et Mimi, qui roulaient abondamment à la radio. Puis, après un deuxième album considéré comme un «flop» par leur compagnie de disque, les musiciens décidè
En entrevue avec Le Journal, Nathalie Courchesne et Uranian Vacéanu, respectivement chanteuse et guitariste de Lili Fatale, se montrent très reconnaissants de pouvoir donner des nouvelles aux amateurs du groupe.
«Quand on a décidé d’arrêter, vers 2003 ou 2004, on n’a pas donné de nouvelles», dit Nathalie. «On n’a pas bien fermé la page. On a été un peu sauvages là-dessus», reconnaît Uranian.
PRIX DE CONSOLATION
Nous avons rencontré les deux musiciens au Gesù, un établissement culturel où Nathalie travaille depuis bientôt cinq ans. Quand l’aventure de Lili Fatale s’est terminée, elle est retournée aux études.
«C’était un peu un prix de consolation de faire une deuxième carrière en communications et en édition, reconnaît-elle. Mais je n’ai pas arrêté de faire de la musique presque quotidiennement.»
En 2015, elle a mis en ligne quelques chansons qui avaient initialement été écrites pour un troisième album de Lili Fatale. Un disque qui n’a jamais vu le jour, faute de subventions.
«Nous avons été refusés deux fois à MusicAction, dit Nathalie. Nous étions vraiment déçus.»
PAYER LES FACTURES
À l’époque, en 2003, les deux musiciens se sont dit qu’ils continueraient de mener le projet de Lili Fatale à temps perdu, même si leur autre comparse, Richard Binette, avait décidé de quitter le navire.
«Je venais d’avoir un enfant et j’ai eu l’occasion d’aller relever de nouveaux défis à Magog, mentionne Richard Binette. Je me suis intéressé à la gestion d’entreprise et au marketing.»
Eux qui venaient également d’avoir un enfant ensemble, Nathalie et Uranian ont bien dû se rendre à l’évidence qu’ils ne pourraient pas continuer leur projet musical à temps plein.
«Les factures continuaient de rentrer, dit Nathalie. On suffoquait un peu de toujours lutter pour vivre de ce projet-là. Quand notre fille est arrivée, on s’est rendu compte qu’on avait sa survie entre nos mains. On a décidé de sortir de nos nombrils d’artistes et on s’est demandé ce qu’on voulait faire d’autre.»
Alors que Nathalie s’est dirigée vers les communications et l’édition («j’ai travaillé, entre autres, pendant quatre ans pour la compagnie Médicus Laboratoire orthopédique»), Uranian a fait un baccalauréat en microbiologie, ainsi qu’une maîtrise en gestion des sciences et génie. «Aujourd’hui, je suis directeur du marketing dans une compagnie d’instrumentation scientifique miniature qui s’appelle Alpha Mac. Je voyage partout dans le monde pour rencontrer des groupes de recherche.»
Les chercheurs savent-ils qu’il est un ancien rockeur? «On s’en parle parfois, dit-il. La plupart des
biologistes sont très musicaux. Beaucoup d’entre eux jouent des instruments.»
PARTIE POUR LA GLOIRE
Quand on retourne 20 ans en arrière, on se dit que tout allait pour le mieux pour Lili Fatale. Rapidement repéré par Sony Music, le groupe avait signé «un contrat pour cinq ou six albums», se souvient Nathalie. La formation était partie pour la gloire.
Pourtant, même si leurs chansons Mimi et Feels jouaient abondamment à la radio et sur les ondes de MusiquePlus, les musiciens n’ont jamais roulé sur l’or.
«Nous n’avons jamais eu une avance d’argent comme ils ont aux États-Unis, dit Nathalie. Ce n’était pas ça. Je pense qu’on a touché 3000 $ chacun au premier disque. Et c’était la même affaire pour le deuxième album, en 2001.»
«On n’a jamais vécu de ça, ajoute-t-elle. On n’arrivait pas vraiment à payer notre loyer. On n’avait pas d’argent pour vivre.»
«On avait la pression des médias qui pensaient qu’on roulait en limousine, indique Uranian. Les gens faisaient un saut quand ils nous voyaient dans le métro!»
« UN FLOP »
Après avoir vendu environ 30 000 exemplaires de son premier album, CK80296, Lili Fatale n’en a écoulé que 16 000 de son deuxième disque, Panavision. «Pour Sony [leur compagnie de disque], c’était un flop», dit Nathalie Courchesne.
«Il faut comprendre qu’à l’époque ils étaient habitués avec Céline et Garou», indique Uranian.
«Sony nous a dit qu’il ne renouvellerait pas le contrat pour un troisième album, dit Nathalie. Notre groupe ne cadrait plus. C’est une compagnie d’interprètes, Sony.»
«Ils vont puiser les chansons de leurs interprètes dans leurs propres livres de chansons, ajoute Uranian. Ils ont leur banque d’écrivains de tounes, ils ont leur styliste. C’est comme un McDo.»
DES POULAINS D’ÉCURIE
Malgré cette fin en queue de poisson, Nathalie et Uranian sont reconnaissants d’avoir vécu une belle et courte aventure avec la compagnie de disques.
«On a été dans des studios tellement cool avec eux, dit Nathalie. Et on avait de beaux budgets pour enregistrer les albums, avec 40 000 $ pour le premier disque et 75 000 $ pour le deuxième. Au deuxième album, nous avons même enregistré dans le même studio que Sarah McLachlan, à Morin-Heights!»
Les musiciens se sentaient aussi libérés de l’emprise d’une puissante compagnie. «On était des poulains d’écurie, des chevaux de course», dit Nathalie. «Avec la fin pour Sony, on s’est dit qu’on allait lancer notre propre compagnie de disques pour le troisième album», indique Nathalie. Mais ce projet n’a finalement jamais vu le jour.
VINGTIÈME ANNIVERSAIRE
Puisque l’année 2017 marque les 20 ans du premier album de Lili Fatale, est-ce qu’un concert anniversaire les intéresserait? Répondant d’abord par la négative, Nathalie reconnaît toutefois qu’elle aimerait bien reprendre certaines chansons du groupe, «mais d’une façon complètement différente».
Uranian, quant à lui, se montre beaucoup moins ouvert à un retour. Il y a quelques années, le musicien a vécu un bad trip en montant sur scène.
«C’est un peu le syndrome de Fiori, dit-il. Depuis l’âge de 17 ans que je faisais juste des shows sans arrêt. Rendu à 32 ou 33 ans, quand je pensais faire un show, ça me faisait “freaker” ben raide. Je suis allé aux études et ça m’a calmé.»
De son côté, Richard Binette n’est pas entièrement fermé à un spectacle de retrouvailles avec ses anciens comparses, même s’il reconnaît que l’aventure Lili Fatale s’est terminée dans des circonstances malhereuses.
«Je n’ai pas eu le temps de penser à un tel spectacle. C’est quelque chose que je pourrais analyser, ajoute-t-il. Il faudrait que ce soit de la bonne façon.»