Le Journal de Montreal - Weekend
JAMAIS SANS MA MÈRE
S’il est un long métrage fait en famille, c’est bien celui-là! Le réalisateur Alexis Durand-Brault accomplit le doublé de diriger à la fois Denise Filiatrault, sa belle-mère, et Sophie Lorain, sa conjointe, dans cette adaptation par Gabriel Sabourin – qui tient également le rôle principal – de l’ouvrage de Robert Lalonde.
Julien (Gabriel Sabourin) rend visite à sa mère, Madame Lapierre (Denise Filiatrault, absente du grand écran depuis trop longtemps), résidente d’un établissement pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps, depuis les funérailles du père, dont l’ombre plane dès le début sur cette intrigue. Julien, ébéniste de jour et écrivain pendant ses temps libres, a publié un roman autobiographique, C’est le coeur qui meurt en dernier – l’une des phrases que lui répétait sa mère lorsqu’il était jeune – et va recevoir un prix. S’entremêlent alors ses souvenirs de jeunesse et la situation présente avec sa mère, qui lui demande de l’aider à mourir avant qu’elle ne perde toute sa tête.
Dès le départ, la relation filiale est lourde de non-dits, de rancoeurs, du poids d’un lourd secret porté par Julien. À travers ses souvenirs, on découvre une mère (Sophie Lorain, magnifiquement filmée par son conjoint), fantasque, flamboyante, fascinante. On apprend également, de manière feutrée, subtile, ce qui hante ce tandem mère-fils, autour duquel gravitent Marie-Ève (Geneviève Rioux), la soeur, Henri (Paul Doucet), l’ami d’enfance devenu agent littéraire et Catherine (Céline Bonnier), la liaison occasionnelle qui aurait pu devenir sérieuse.
S’il est film d’acteurs ou plutôt d’actrices, c’est bien celui-là. En choisissant Denise Filiatrault et Sophie Lorain pour incarner le même personnage à plusieurs décennies de distance, Alexis Durand-Brault a été particulièrement inspiré. Chacune porte, dans ses postures ou sur son visage, le reflet de l’autre, le début de la douleur, les rides d’expression sévères, adoucies par un regard d’une grande tendresse.
C’est sur ce registre – celui de la tendresse – que se joue cette histoire. Les sentiments, jamais clairement exprimés et tendus comme la corde d’un violon, affleurent à la surface, Denise Filiatrault, Sophie Lorain et Gabriel Sabourin constituant un trio parfaitement accordé, malgré plusieurs lourdeurs de répliques qu’on devine dues au passage de l’écrit au parlé.