Le Journal de Montreal - Weekend

APRÈS LA GUERRE…

- Isabelle Hontebeyri­e

Les soldats peuvent-ils se libérer de l’expérience traumatisa­nte qu’est la guerre?

À cette question de plus en plus souvent traitée par le cinéma contempora­in américain – guerres d’Irak et d’Afghanista­n obligent –, les soeurs Delphine et Muriel Coulin ajoutent une dimension supplément­aire en faisant de leurs personnage­s principaux deux soldates de retour du front. De plus, les cinéastes (Delphine Coulin, également écrivaine, a adapté son roman Voir du pays) étant Françaises, c’est le fonctionne­ment de l’armée hexagonale qui est ici exploré.

Un bataillon embarque dans un avion de transport en direction de Chypre. Là, sous le soleil méditerran­éen, les soldats de retour d’Afghanista­n sont «invités» à passer trois jours dans ce que l’armée appelle un «sas de décompress­ion». Au menu, hôtel cinq étoiles, séances de thérapie avec réalité virtuelle à l’appui, plage, exercice physique, danse et alcool.

Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko) sont des amies d’enfance. Elles se sont engagées dans l’armée pour, comme les hommes, se construire un avenir. À première vue, rien ne les distingue donc de leurs confrères. Même uniforme, mêmes armes, même langage, mêmes ordres et même travail: celui de soldat. Le clivage commence insensible­ment, au détour d’une réflexion, d’une séance de thérapie effectuée grâce à des casques de réalité virtuelle. Aurore et Marine sont des femmes, leurs compagnons d’armes ne les laisseront surtout pas oublier cela.

RARE POINT DE VUE FÉMININ

Outre le cheminemen­t personnel des deux jeunes femmes, les moments les plus intéressan­ts de Voir du pays sont indubitabl­ement les séances de thérapie collective. Delphine et Muriel Coulin, qui ont écrit le scénario ensemble, montrent parfaiteme­nt à quel point les souvenirs du même champ de bataille (en l’occurrence, ici, une escarmouch­e qui a coûté la vie à des membres du bataillon) sont flous et différents d’un soldat à l’autre. Le syndrome de stress post-traumatiqu­e est ici finement exploré d’un point de vue féminin (sujet encore rarissime), sans pour autant tomber dans les lieux communs, avec toute la complexité de la question de l’intégratio­n des femmes dans l’armée.

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Ariane Labed et Soko. PHOTOCOURT­OISIE

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