Le Journal de Montreal - Weekend
APRÈS LA GUERRE…
Les soldats peuvent-ils se libérer de l’expérience traumatisante qu’est la guerre?
À cette question de plus en plus souvent traitée par le cinéma contemporain américain – guerres d’Irak et d’Afghanistan obligent –, les soeurs Delphine et Muriel Coulin ajoutent une dimension supplémentaire en faisant de leurs personnages principaux deux soldates de retour du front. De plus, les cinéastes (Delphine Coulin, également écrivaine, a adapté son roman Voir du pays) étant Françaises, c’est le fonctionnement de l’armée hexagonale qui est ici exploré.
Un bataillon embarque dans un avion de transport en direction de Chypre. Là, sous le soleil méditerranéen, les soldats de retour d’Afghanistan sont «invités» à passer trois jours dans ce que l’armée appelle un «sas de décompression». Au menu, hôtel cinq étoiles, séances de thérapie avec réalité virtuelle à l’appui, plage, exercice physique, danse et alcool.
Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko) sont des amies d’enfance. Elles se sont engagées dans l’armée pour, comme les hommes, se construire un avenir. À première vue, rien ne les distingue donc de leurs confrères. Même uniforme, mêmes armes, même langage, mêmes ordres et même travail: celui de soldat. Le clivage commence insensiblement, au détour d’une réflexion, d’une séance de thérapie effectuée grâce à des casques de réalité virtuelle. Aurore et Marine sont des femmes, leurs compagnons d’armes ne les laisseront surtout pas oublier cela.
RARE POINT DE VUE FÉMININ
Outre le cheminement personnel des deux jeunes femmes, les moments les plus intéressants de Voir du pays sont indubitablement les séances de thérapie collective. Delphine et Muriel Coulin, qui ont écrit le scénario ensemble, montrent parfaitement à quel point les souvenirs du même champ de bataille (en l’occurrence, ici, une escarmouche qui a coûté la vie à des membres du bataillon) sont flous et différents d’un soldat à l’autre. Le syndrome de stress post-traumatique est ici finement exploré d’un point de vue féminin (sujet encore rarissime), sans pour autant tomber dans les lieux communs, avec toute la complexité de la question de l’intégration des femmes dans l’armée.