Le Journal de Montreal - Weekend
RESSUSCITER LA STAR
Porter la vie de la chanteuse Dalida au grand écran est le pari fou que relèvent avec brio la cinéaste française Lisa Azuelos et Sveva Alviti, modèle italienne dont c’est le premier rôle.
Lors de leur passage en sol montréalais, les deux femmes ont partagé avec une passion et un entrain contagieux leur vision de cette star au destin hors du commun.
«Orlando m’a toujours laissé libre avec ma vision», lance Lisa Azuelos dès les premières minutes de l’entrevue dans un hôtel du Vieux-Montréal. Pas de censure donc, pas d’orientation pour ce film biographique moderne et grand public dont la cinéaste signe également le scénario à la construction efficace. Sveva Alviti, qui, pour sa première apparition au grand écran, incarne Dalida, abonde dans le même sens. «C’est un homme très discret […], il n’est venu que deux ou trois fois sur le plateau».
En 124 minutes et avec une trame sonore extrêmement riche, Dalida raconte la vie de Iolanda Cristina Gigliotti, née au Caire dans une famille italienne catholique. Le long métrage, dans la lignée des biographies traditionnelles, couvre son existence jusqu’à son suicide en 1987. «Tout le temps pendant l’écriture. [Je me disais] c’est trop grand, c’est trop triste, je ne vais pas y arriver», confie Lisa Azuelos quand on lui demande si elle a ressenti un vertige devant le fait de porter la vie de cette véritable icône au cinéma.
Pour l’actrice, c’est lors du tournage, et non pendant la préparation au rôle, qu’elle a douté. «C’était pendant les moments où je devais chanter et faire les chorégraphies en même temps. Si on n’est pas chanteuse, c’est un peu compliqué… surtout quand il y a 400 figurants [sur le plateau]!» C’est lors de l’un de ces moments que la magie a opéré. «Lisa n’a pas dit “Coupez!”, elle a continué à filmer les chansons et le concert a duré une heure, les figurants criaient “Dalida! Dalida!” Je suis devenue elle. C’était un moment difficile, mais très beau!»
IOLANDA ET DALIDA
Dalida a toujours été déchirée, comme le souligne la cinéaste, entre la femme et la star qu’elle était. Spontanément, Lisa Azuelos et Sveva Alviti ont partagé la même vision de Dalida et n’ont pas éprouvé le besoin de parler d’elle ou de disséquer sa vie.
«On n’a pas beaucoup parlé du personnage. Le script était écrit, Sveva était avec son travail et son interprétation, et c’était tout le temps juste. […] Moi, mon boulot, c’est de trouver Sveva. Ce qui est extraordinaire, c’est quand les acteurs qui sont justes vous disent “oui”. Une fois que ça s’est fait, le miracle a déjà eu lieu. […] Chaque personne qui a fait ce film a voulu le faire, et j’ai laissé les gens s’exprimer. On savait qu’on voulait faire un film moderne», indique la cinéaste.
«Le but sous-jacent du film était aussi de montrer ce qui s’est passé pour les femmes dans ces 30 années-là, de souligner Lisa Azuelos, en référence notamment à l’avortement que Dalida décide de subir, puisqu’elle ne peut pas élever cet enfant seule. De 1950 à 1980, c’est vraiment là où on est passé de la soubrette à la femme libre.» Et pour Sveva Alviti, «Iolanda était la femme traditionnelle, et Dalida, la star.»
Dans ce contexte, était-il donc indispensable que Dalida soit écrit et tourné par une femme? «Non… je pense que Xavier Dolan aussi… [Rires] Il faut quelqu’un qui soit proche de tous les antagonismes liés à la problématique du féminin en ce monde. Je ne sais pas si Kathryn Bigelow aurait pu le faire, mais je pense que James Cameron aurait pu.»
«Xavier Dolan sait ce qu’est l’intimité des êtres et ça l’intéresse. Il y a des gens que cela n’intéresse pas. [Pour faire Dalida], il fallait être proche de l’intime.»