Le Journal de Montreal - Weekend
LE PRIX DE L’HONNÊTETÉ
Dix ans après avoir remporté la Palme d’or du Festival de Cannes avec son percutant film 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le cinéaste roumain Cristian Mungiu propose avec Baccalauréat un nouveau drame social dans lequel il s’interroge sur le prix à payer pour rester honnête. Le Journal l’a joint chez lui à Bucarest.
Gagnant du prix de la mise en scène au Festival de Cannes l’an passé, Baccalauréat se penche sur les troubles de conscience de Romeo, un médecin d’une petite ville de Transylvanie qui a travaillé honnêtement toute sa vie pour permettre à sa fille Eliza d’aller étudier dans une bonne université en Angleterre.
Eliza a des notes exemplaires mais elle doit d’abord passer son baccalauréat pour pouvoir être acceptée à l’université anglaise. Ses chances de réussite seront toutefois compromises quand elle sera agressée la veille de ses examens. Inquiet, Romeo ira à l’encontre de ses valeurs morales en demandant à un fonctionnaire de tricher pour aider Eliza à passer son baccalauréat.
«Le point de départ du film vient du fait que j’ai des enfants et que je me suis rendu compte qu’il faudrait un jour que je leur parle de la possibilité de rester en Roumanie et de partir étudier ailleurs pour espérer avoir une meilleure vie», explique Cristian Mungiu en entrevue.
«Il y a beaucoup de désillusion en ce moment en Roumanie et cela provient des attentes qu’il y avait il y a 27 ans quand le régime communiste s’est effondré. Les gens ont semblé croire qu’avec la chute de Ceaușescu, tout s’arrangerait naturellement le lendemain. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Les changements se font très lentement».
UNE SOCIÉTÉ DYSFONCTIONNELLE
Il est beaucoup question de corruption dans Baccalauréat. Le film de Mungiu décrit une société dysfonctionnelle où tout le monde – même la police – n’hésite pas à soudoyer la bonne personne pour obtenir une faveur.
«La corruption qu’on voit dans le film n’est pas si simple», nuance Mungiu.
«Ces gens s’entraident sans nécessairement se donner directement de l’argent les uns aux autres. C’est un système qui est mis en place pour les aider à survivre. Ils obtiennent des choses qui ne sont pas toujours légales ou morales. Mais c’est toujours difficile d’estimer à quel moment on dépasse la ligne de l’honnêteté et que cela devient un compromis qui n’est plus acceptable. Surtout quand on parle de choses qu’on fait pour le bien de nos enfants. Pour moi, le film parle plus de valeurs morales que de corruption.»