Le Journal de Montreal - Weekend
Le combat d’une soldate américaine
Megan Leavey
C’est Kate Mara, elle-même défenderesse des droits des animaux, qui a suggéré Gabriela Cowperthwaite aux producteurs. «Le scénario m’a tout de suite parlé», dit, en entrevue téléphonique, la documentariste qui effectue ici ses premiers pas derrière la caméra d’une fiction. Tiré d’une histoire vraie, Megan
Leavey s’intéresse à une jeune femme qui, un peu perdue après avoir été licenciée, décide de s’engager dans les Marines. Affectée, en punition pour son comportement douteux aux chenils de la base de Lackland, Megan découvre le métier d’entraîneur de chiens de détection d’explosifs. «C’est un travail réservé à l’élite des soldats», de souligner Gabriela Cowperthwaite. «Megan doit faire ses preuves, obtenir les meilleures notes, avoir une attitude irréprochable. Comme elle est dotée d’une volonté de fer, elle y parvient.»
L’armée confie Rex, un berger allemand, à Megan et l’équipe est envoyée en Irak, d’abord à Falloujah en 2005, puis à Ramadi en 2006. Au cours d’une mission particulièrement périlleuse, Megan et Rex sont blessés par la détonation d’un engin explosif improvisé. La jeune femme est alors renvoyée chez elle. Souffrant d’un syndrome post-traumatique, elle veut absolument adopter Rex, qui garde aussi des séquelles de l’incident. Sa bataille durera quatre longues années.
UNE AUTRE VISION DE LA GUERRE
«Il y a tellement d’histoires exceptionnelles de chiens sauvant la vie de soldats, se mettant sur leur entraîneur pour les protéger en plein combat. L’idée que ces chiens ne puissent pas trouver de maison après tout cela est impensable», explique la cinéaste qui a, bien sûr, rencontré la vraie Megan Leavey en plus de parler à des soldats des unités K9.
Malgré le fait qu’une bonne partie du film de 116 minutes soit non seulement consacré à la relation profonde qui unit Megan et Rex, mais aussi à la lutte de la soldate aux États-Unis pour adopter son coéquipier, Gabriela Cowperthwaite considère Megan Leavey comme un film de guerre à part entière.
«C’est aussi un film sur une relation, en plus d’être un film de guerre à part entière. J’adore les films de guerre, ne vous méprenez pas, certains sont d’ailleurs des chefs-d’oeuvre. Mais parfois, j’ai l’impression de ne pas m’y retrouver, de ne pas savoir à quel personnage je peux m’identifier en tant que femme», explique-t-elle en élargissant le débat.
«Dans Megan Leavey, je voulais créer des points d’entrée pour le spectateur, je voulais que des femmes ou des jeunes filles puissent regarder les scènes à travers les yeux de Megan, une personne avec qui on pourrait aller prendre un verre ou qui pourrait être une soeur, une voisine, etc. De fait, on voit le film d’une manière différente et on ne décroche jamais. Dans certains films de guerre, bon nombre de scènes sont tellement énormes – toutes ces explosions, toutes ces armes – qu’on en fait abstraction.»
Le message de Megan Leavey n’est pas féministe au sens revendicateur du terme, l’héroïne – au sens propre du mot, Megan ayant reçu un Purple Heart pour sa bravoure – pourrait tout aussi bien être un homme. De la même manière, Gabriela Cowperthwaite ne fait pas du long métrage un plaidoyer pour les droits des animaux; c’est une conclusion à laquelle arrive le spectateur par luimême.
«C’était très important pour moi [que le fait que Megan soit une femme n’influence pas le soldat qu’elle devient]. La question des femmes dans l’armée ne se posait pas dans ce contexte. Je voulais
que le public la voie comme un Marine, comme un Marine qui se joint à une unité d’élite – l’unité canine – et qui évolue en tant que leader à l’intérieur de cette unité. Elle mérite tout ce qui lui arrive, elle gagne chaque galon par mérite, sans passe-droit, pas grâce à son sexe, pas en dépit de son sexe. Cet aspect du propos m’a beaucoup séduite parce que cela fait partie intégrante de la personne qu’est Megan.»
Le sort des chiens de combat est également examiné au travers des difficultés que rencontre Megan à adopter Rex avec qui elle a développé une relation très profonde, chacun ayant sauvé la vie de l’autre.
«Il faut reconnaître le rôle de ces animaux comme nous reconnaissons le rôle de n’importe quel autre vétéran. Il faut s’assurer de leur trouver des foyers stables et adaptés, car ce sont des chiens qui ont vécu des situations très particulières, ils ont été entraînés pour la guerre. Ils souffrent de syndrome post-traumatique.»
«En tant que société civile, nous sommes très mal équipés pour comprendre ce que ces soldats ont vécu et leur donner ce dont ils ont besoin [lorsqu’ils reviennent de la guerre]. Mais nous nous devons d’essayer. Nous devons les écouter, et il est de notre responsabilité de leur fournir tout le soutien possible», affirme Gabriela Cowperthwaite. Megan Leavey est présenté dans les cinémas de la province depuis le 9 juin.