Le Journal de Montreal - Weekend

« JE RÉALISE LA CHANCE QUE J’AI D’AVOIR DEUX FAMILLES »

Il y a 14 ans, nous découvrion­s le grand talent de Maritza à Star Académie. Depuis, elle a lancé en février son nouvel album, Libérons-nous, et a vécu bien des émotions. Elle a, entre autres, redécouver­t le monde à travers les yeux de sa fille, Zoé, mais

- MARIE-HÉLÈNE GOULET Agence QMI – MARITZA L’album Libérons-nous est en vente. Pour plus d’info sur le Regroupeme­nt des adopté-e-s à l’internatio­nal sans frontières (RAIS): raisf.org.

Maritza, vous avez titré votre album

Libérons-nous. Votre enfance a été marquée par un événement difficile. Pensez-vous avoir réussi à vous en libérer?

Oh oui! Je pense avoir réussi à me réconcilie­r avec mon passé, même si c’est un travail à long terme. Je ne suis peutêtre pas libérée à 100 % de mes traumatism­es, mais j’ai fait la paix avec eux.

Rappelons les faits. Un orphelinat s’est établi dans votre village, Hato Mayor, en République dominicain­e, où vous viviez. Comme vous aviez des parasites intestinau­x à l’âge de deux ans, les gens de l’orphelinat ont convaincu vos parents de vous confier en adoption pour que vous puissiez recevoir des soins et avoir la vie sauve. Savaient-ils dans quoi ils s’embarquaie­nt lorsqu’ils ont accepté ce sacrifice?

Non, à cette époque, le concept de l’adoption internatio­nale n’était pas vraiment connu en République dominicain­e. En faisant ce sacrifice, mes parents pensaient que je reviendrai­s vers 10 ans et que, après mon éducation, je serais de retour définitive­ment dans notre famille.

Ce n’est pas ce qu’on a dit à vos parents québécois...

Non. Mes parents d’adoption n’avaient aucune idée de cet engagement. Ils ont fait confiance aux gens de l’orphelinat quand ceux-ci leur ont dit que si je n’étais pas adoptée, je mourrais. Espériez-vous, secrètemen­t, reprendre contact avec votre famille

biologique, puisque vous aviez cinq frères et soeurs, dont votre soeur jumelle, et deux demi-frères?

Pas vraiment. Peut-être était-ce un blocage, mais je n’avais aucune curiosité par rapport à ma culture d’origine. Du moins, jusqu’à ce que mes soeurs arrivent à me retrouver.

Elles ne vous ont jamais oubliée, n’est-ce pas?

Non. Mon départ a été difficile pour mes soeurs aînées, qui avaient pris soin de moi et de ma jumelle quand nous étions bébés. (...) Un jour, mes soeurs, qui avaient déménagé à Boston, ont repris contact avec l’orphelinat où j’ai été placée et ont obtenu le numéro de téléphone de mes parents ici qui, fort heureuseme­nt, n’avait pas changé. J’avais 19 ans lorsqu’elles les ont joints par téléphone.

LIBÉRONSNO­US

pas avoir eu une réaction émotionnel­le tellement j’étais sous le choc. C’était irréel. De peur d’attrister mes parents adoptifs, je n’ai pas contacté mes soeurs immédiatem­ent. J’ai attendu qu’ils partent en voyage pour fouiller dans les tiroirs et trouver leur numéro. Elles étaient très excitées au bout du fil, et c’était un peu angoissant pour moi, qui ne réalisais pas trop ce qui se passait.

Comment vos parents adoptifs ontils pwris ce retour vers vos racines?

Très bien! Jamais ils ne m’ont fait sentir que ça les dérangeait que je renoue avec les membres de ma famille biologique. Au contraire, ils considèren­t que ceux-ci font aussi partie de leur famille maintenant. Ils me demandent des nouvelles et ont accueilli mes soeurs chez eux.

Est-ce que la rencontre avec vos parents biologique­s a été émouvante?

J’ai d’abord rencontré mon père, car ma mère n’avait pas encore immigré aux États-Unis. Il a dit bien peu de choses, mais j’ai été extrêmemen­t touchée de le voir si ému. Tout de suite, je me suis sentie importante pour lui. Ç’a été plus froid avec ma mère. Dans l’histoire de mon adoption, c’est elle qui avait consenti à me confier à l’orphelinat, alors que mon père ne le voulait pas. Je pense que, de façon irrationne­lle, je l’associais encore à cet abandon. Finalement, nous avons eu plusieurs conversati­ons, et je ne lui en veux plus. En devenant mère moi-même, j’ai pu me mettre à sa place.

Votre fille, Zoé, connaît-elle sa famille dominicain­e?

Oui. C’est même depuis sa naissance que je me suis rapprochée d’eux davantage. Je trouvais important qu’elle connaisse toutes les facettes de ce qu’elle est. Du côté maternel, Zoé a donc deux grands-mères: «abuela» et mamie». Elle comprend que j’ai grandi dans le ventre de l’une et que l’autre m’a élevée. Elle les aime toutes les deux, et j’essaie de lui transmettr­e les deux cultures. À travers elle, je réalise maintenant la chance que j’ai d’avoir deux familles.

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Quelle a été votre réaction? Je ne pense

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