Le Journal de Montreal - Weekend

« Le vidéoclip de Safety Dance a changé ma vie »

Si on parle encore du groupe montréalai­s Men Without Hats, c’est à cause d’une chanson, The Safety Dance, l’un des plus célèbres titres de la vague new wave des années 1980. Et aussi, reconnaît le chanteur Ivan Doroschuk, à cause de son vidéoclip devenu a

- CÉDRIC BÉLANGER Le Journal de Québec

«Ce vidéoclip a changé ma vie», admet, à l’autre bout du fil depuis Victoria, celui qui gambadait dans les prés, avec un look médiéval, accompagné d’un nain dans ce clip mythique qui a tourné en boucle sur MTV et atteint la première place du palmarès dance du Billboard.

«Je me faisais reconnaîtr­e, je ne pouvais pas sortir dehors. À l’époque, tout le monde s’attendait à ce qu’on ressemble à Duran Duran. Le fait d’avoir un look médiéval, hippie, “granol” un peu, cela a pris pas mal de monde par surprise, mais cela a ajouté au pouvoir de la toune. Ça disait qu’il n’y avait pas vraiment d’uniforme pour écouter du MWH. Des jocks, des gais, des straights, toutes sortes de gens écoutaient la chanson. Elle a traversé toutes les classes sociales. Cette vidéo, comme un western, ne vieillira jamais. »

Ce n’est pas seulement la chanson ni la performanc­e de Doroschuk dans le clip qui a marqué l’imaginaire. Pendant des années, des fans de MWH ont cherché à savoir qui était la mystérieus­e fille aux cheveux blonds comme les blés qui dansait et s’exclamait «dansez» en français.

Il a fallu attendre en 2015 pour que le groupe révèle enfin son identité. Il s’agissait de Louise Court, éditrice en chef du magazine Cosmopolit­an UK.

«Il y a un culte qui a poussé autour de cela, mais c’est elle qui voulait garder ça secret. À un moment donné, elle nous a donné l’autorisati­on de le dire et on l’a sorti. Cette histoire a ajouté de la magie.»

« PRISONNIER DE LA TOUNE »

S’il doit tout ou presque à The Safety

Dance, Ivan Doroschuk avoue qu’il a, comme d’autres artistes qui ont connu un grand succès, passé par une période où sa chanson était un boulet.

«Les compagnies de disque voulaient que je répète la formule. Quand t’es jeune, c’est dur à prendre. Je me rappelle que ça m’offusquait quand ils inscrivaie­nt le nom de la chanson sur les affiches pour attirer plus de spectateur­s à nos concerts. Je ne voulais pas être prisonnier de la toune. Maintenant, tout a changé. The Safety Dance est plus grande que moi. En tournée, je me sens comme un musée ambulant qui présente la chanson au public.»

The Safety Dance était à ce point énorme que bien des gens oublient que MWH a aussi connu beaucoup de succès avec des pièces comme Pop Goes the

World et Hey Men, ajoute Doroschuk.

LE MYSTÈRE N’EXISTE PLUS

Ce dernier se réjouit d’avoir connu la gloire avant l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux. «Si YouTube avait existé dans le temps, je ne serais pas ici en train de te parler. Ça limite la créativité. Les gens s’imposent des barrières incroyable­s en ce moment. Le politiquem­ent correct va tout tuer», dit-il sur un ton pessimiste.

Il regrette cette époque où les vedettes rock cultivaien­t un certain mystère grâce à leur look.

«Quand je suis devenu vedette de rock, la seule façon de s’habiller comme les Rolling Stones, c’était de prendre l’avion et d’aller magasiner sur Carnaby Street à Londres. Avant chaque tournée donc, je prenais les pointures de tout le monde et j’allais à Londres. Aujourd’hui, tu peux ressembler facilement à n’importe qui. Amazon peut t’envoyer les pantalons de Justin Bieber par drone. Il n’y a plus de mystère», se désole-t-il.

Quant à la musique d’aujourd’hui, Doroschuk n’est pas plus optimiste pour sa pérennité. «Combien de chansons de Kanye West va-t-on chanter autour du feu dans 25 ans?»

Men Without Hats se produira au Club Soda, dans le cadre du Festival de jazz de Montréal, le 2 juillet. Le groupe sera aussi au Festival d’été de Québec, au parc de la Francophon­ie, le 13 juillet.

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