Le Journal de Montreal - Weekend
LA PETITE VILLE OÙ MEURENT LES GRANDES PUISSANCES
Le hasard de l’histoire a voulu que ce soit dans un quartier général mobile, dans un wagon situé dans la forêt de Rethondes, en banlieue de Compiègne, que les Allemands ont signé la reddition le 11 novembre 1918. C’est une date facile à retenir : le 11 du 11 du 11... La 11e heure du 11e jour du 11e mois.
Quel invraisemblable destin que celui du « wagon de l’armistice »! Il a été affecté au maréchal Foch, le commandant en chef des armées françaises et alliées, et il a servi de lieu de rencontre avec les vaincus allemands. Devenu mythique en France même, le wagon fut exposé aux Invalides à Paris, après la Grande Guerre. En revanche, en Allemagne, on enrage contre cet événement et ce « train maudit » où la nation a capitulé. Lorsqu Adolf Hitler conquiert la France en juin 1940, il tient mordicus à signer l’acte officiel de capitulation de la France dans le même wagon. Devinez quoi, ensuite? Il le fait apporter à Berlin! Les Berlinois le visitent pour fêter leur victoire. En 1945, la défaite allemande est imminente. Hitler ordonne aux SS de le faire sauter pour éviter qu’il revienne en France pour célébrer la chute du troisième Reich. Pour remplacer le wagon dynamité par les SS, on a pris un « jumeau », sorti de la même manufacture.
La capitulation allemande a été signée le 8 mai 1945 à Reims dans une école; je vous en parle la semaine prochaine! Compiègne n’est pas un lieu de tourisme de masse, mais les voyageurs avertis du monde entier s’y rendent pour se remémorer les deux capitulations. Quiconque a étudié l’histoire des grandes guerres a entendu les noms Rethondes et Compiègne. Et n’oublions pas que les napoléoniens savent aussi que Compiègne est le lieu où Napoléon a consommé son mariage, célébré à la va-vite en privé, avec Marie-Louise d’Autriche, dans le château de Compiègne, avant de refaire une cérémonie officielle fastueuse à Paris quelques jours plus tard.