Le Journal de Montreal - Weekend
UN GRAND FILM D’ANIMATION
En animation, la tendance actuelle consiste à rendre l’univers présenté hyperréaliste, même s’il est imaginaire. Dans La reine des neiges, par exemple, on a l’impression de pouvoir toucher la texture des vêtements ou celle du corps d’Olaf, le très drôle
ISABELLE HONTEBEYRIE Agence QMI
La jeune fille sans mains se situe aux antipodes de ce mouvement, le scénariste, cinéaste et animateur Sébastien Laudenbach ayant passé trois ans à faire ce long métrage minimaliste de 76 minutes. « Le film a été peint sur papier, du premier plan au dernier dans l’ordre chronologique, d’une façon plus ou moins improvisée ainsi que le ferait un jazzman sur un canevas », écrivait-il dans le dossier de présentation du film.
Le résultat est d’une immense poésie, même si le propos est très dur. Car La
jeune fille sans mains est un conte des frères Grimm que le réalisateur a transposé en conservant toute la cruauté de l’oeuvre. Un meunier pauvre (voix d’Olivier Broche) vend, sans le savoir, sa fille (Anaïs Demoustier, dont la voix est parfaite pour le rôle) au diable (voix de Philippe Laudenbach) en échange d’une richesse infinie. Mais voilà, le diable ne peut s’emparer de la jeune fille en raison de sa propreté (l’analogie avec la pureté est immanquable). Il demande donc au père de lui couper les mains, ce qu’il fait sur accord de sa fille.
Chassée par le diable, la jeune fille finit par trouver son prince charmant, mais là encore, le malin leur met des bâtons dans les roues. Par contre, comme dans tout bon conte de fées, la fin est heureuse et le message sur la persévérance fait mouche.
COMME IL S’EN FAIT PEU
Si le visuel et le sonore (la bande sonore est d’une qualité peu commune) font de La jeune fille sans mains un long métrage qui plaira autant aux filles qu’aux garçons, la manière dont Sébastien Laudenbach permet au spectateur de se l’approprier est assurée de surprendre. Grâce aux dessins, la réflexion n’est pas guidée, le public peut y voir ce qu’il veut (notamment au niveau du symbolisme féminin, extrêmement fort) et décider d’en tirer, ou non, des « leçons ».
Rarement un film d’animation a généré un tel effet — il faut regarder du côté des studios américains Laika (Kubo et
l’épée magique) ou du japonais Ghibli, avec, notamment, les oeuvres d’Hayao Miyazaki (Ponyo ou Arrietty pour ne citer que ceux-là) pour trouver une telle force. Pas de doute, nous sommes ici en face de l’un des meilleurs longs métrages d’animation de l’année ! AD{JDM2118655}