Le Journal de Montreal - Weekend
PORTRAIT INTIME D’UN GRAND POÈTE
La journaliste américaine Sylvie Simmons a interviewé une centaine de personnes qui ont côtoyé le grand chanteur et poète Leonard Cohen pour rédiger I’m Your Man. La vie de Leonard Cohen, une biographie très complète, donnant une idée très juste du parcours de l’artiste et de la complexité de l’homme.
MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec
Sylvie Simmons a mis plusieurs années à rédiger cette biographie très fouillée. Elle a eu accès aux archives privées de Leonard Cohen – récemment récompensé d’un Grammy posthume – et a réalisé plusieurs entretiens avec lui, avec ses proches collaborateurs, ses amis, ses amoureuses, de même qu’avec des artistes connus et inspirés par son travail.
MULTIPLES FACETTES
Plusieurs anecdotes qu’elle relève apportent un nouvel éclairage sur la vie et l’oeuvre de cet être charismatique et mystérieux, très admiré, qui a livré des succès inoubliables, comme I'm Your Man, Hallelujah, Dance Me to the End of Love et Suzanne. Sylvie Simmons explore toutes les facettes de sa vie d’artiste, remontant jusqu’à son enfance et sa jeunesse à Montréal, immergé dans la culture de ses origines juives. Elle révèle sa vie intime comme sa vie professionnelle, note sa dépendance aux drogues et au sexe, dévoile ses épisodes dépressifs.
« Le travail de documentation était très compliqué. Leonard n’était pas seulement un chanteur et un auteur-compositeur – une icône de la musique –, mais c’était aussi un poète, un écrivain. Il étudiait les Saintes Écritures », explique Sylvie Simmons.
Il avait de multiples facettes. « C’était aussi un homme à femmes. Il fallait relier beaucoup d’éléments pour identifier ce qui était, en quelque sorte, son ADN, et expliquer ce qui le rendait tellement unique et mystérieux. »
Leonard Cohen était, à son avis, très attaché à sa ville natale. « Montréal était une ville énormément importante à ses yeux. Je me souviens d’une conversation avec lui, après la publication du livre en anglais. Il me disait qu’il allait retourner à Montréal pour voir la maison de son enfance. Il me disait aussi qu’à son avis, jamais il n’aurait pu devenir un poète s’il n’avait pas grandi à Montréal, où il pouvait retrouver un cercle de grands poètes. Il travaillait avec eux quand il était jeune. »
DROGUE
La biographe a été très surprise de découvrir qu’il avait pris des amphétamines pendant des décennies. « Je savais qu’il avait pris de la drogue, notamment pour essayer de soigner des épisodes dépressifs avec lesquels il a vécu jusqu’à très tard dans sa vie. J’étais sous le choc en lui disant : vous preniez du speed ? Il m’a répondu : ma chérie, tu devrais m’entendre quand je ne suis pas sur le speed... C’était une révélation intéressante. »
De manière générale, elle a observé qu’il a été, toute sa vie, précisément et entièrement Leonard Cohen, profondément lui-même. « Il était le même, enfant, qu’il a été, en homme âgé. Dans le sens où ses idées, ses quêtes, ses besoins, son perfectionnisme, les sujets desquels il s’inspirait étaient toujours là. C’est très rare de rencontrer une personne qui ne change pas, intérieurement. »
Qu’est-ce qui le rendait si spécial, à son avis ? « C’est très difficile d’expliquer pourquoi une personne est extraordinaire : on le reconnaît, tout simplement. Il était lui-même. Il a toujours eu sa manière de faire les choses. »
Sylvie Simmons a passé de longues heures en sa compagnie. « C’était un homme charmant, très sage, avec qui c’était très agréable de discuter. Et il était très drôle et très réfléchi, et très à l’aise dans les périodes de silence. Il était aussi très privé. C’était un grand homme, en plus d’être un musicien et un poète brillant. Il me manque beaucoup. »