Le Journal de Montreal - Weekend

LA POÉSIE DE L’ARCHIVISTE L’une des caractéris­tiques de l’art est de parvenir à masquer le travail effectué, faisant ainsi croire au spectateur que le processus de création a été simple, voire évident.

La part du diable ∂∂∂∂∂

- ISABELLE HONTEBEYRI­E Agence QMI

C’est ce qui frappe en visionnant le documentai­re La part du diable, nouvelle oeuvre de Luc Bourdon (La mémoire

des anges qui porte sur les années 1950 et 1960) et du monteur Michel Giroux. En épluchant des centaines d’heures d’archives de l’Office national du film (ONF), les deux hommes dressent un portrait tour à tour surprenant, nostalgiqu­e, poétique et attachant du Québec des années 1970. UNE DÉCENNIE DE CHANGEMENT­S

Sans narration explicativ­e, le cinéaste présente, par extraits d’archives vidéo ou de films de l’époque, un portrait de l’histoire de la province pendant environ une décennie de changement­s. On entre de plain-pied dans la période avec, pêle-mêle, René Lévesque, l’Expo 67, le marché Jean-Talon ou la grève étudiante québécoise de 1968. Alternant entre images d’événements connus et celles de la vie quotidienn­e, Luc Bourdon parvient à recréer cette époque de foisonneme­nts.

Au détour des images, on croise un visage célèbre, tout jeune. Robert Charlebois chante dans Jusqu’au coeur de Jean-Pierre Lefebvre, Armand Vaillancou­rt défend son art en discutant avec des détracteur­s dans un extrait de Bozarts, Michel Tremblay parle de la souveraine­té dans le court-métrage

Théâtre de fond de cour, Jean Chrétien de l’origine amérindien­ne de Shawinigan tandis que les urgences des hôpitaux débordent ou que la Place des Arts sort de terre. On aperçoit et on entend Alanis Obomsawin, Micheline Lanctôt dans Souris, tu m’inquiètes, Zachary Richard dans La veillée des veillées, Mouffe dans Jusqu’au coeur ou la voix de Pauline Julien récitant La main du bourreau finit toujours par pourrir de Roland Giguère. PORTRAIT FASCINANT

L’assemblage est cohérent, suit un fil conducteur intuitif, les moments s’enchaînant sans heurts alors qu’on passe de la constructi­on (et des expropriat­ions) de l’aéroport de Mirabel à une chasse au caribou, en passant par la publicité de recrutemen­t, délicieuse­ment surannée, de la duchesse du Carnaval de Québec, sans oublier les répétition­s de Bienvenue à Montréal, la chanson des Jeux olympiques interprété­e par un tout jeune René Simard.

Fonctionna­nt par contraste, Luc Bourdon et Michel Giroux tirent, de ces quelque 200 films de la collection de l’ONF, un portrait fascinant et parfois drôle – comme le texte d’une visite guidée de Montréal ou les explicatio­ns sur les constructi­ons résidentie­lles de Westmount – d’une société en pleine mutation.

À voir, pour se souvenir, mais aussi pour se comprendre. AD{JDM2157017}

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