Le Journal de Montreal - Weekend

THRILLER GÉNIAL AU COEUR DE HARLEM

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Le jeune éditeur américain A.J. Finn fait une entrée fracassant­e dans l’univers des thrillers avec La Femme à la fenêtre, son tout premier roman. Vendu dans plus de 38 pays en un temps record, le livre apparaît être un phénomène éditorial planétaire et l’adaptation cinématogr­aphique par Fox est déjà en route.

Et pour cause : mention « A+ » pour ce roman stupéfiant, d’une authentici­té remarquabl­e, brillammen­t construit et écrit, à lire absolument. A. J. Finn – le nom de plume de Daniel Mallory – a imaginé l’histoire d’Anna, une femme séparée de son mari et de leur fille, qui vit recluse dans sa maison de Harlem. Elle vide des coupes de merlot et de pinot noir, consomme des bêtabloqua­nts et regarde sans se lasser de vieux films en noir et blanc.

Quand elle ne joue pas aux échecs sur internet, Anna a un sale petit passetemps : elle espionne ses voisins. Elle ajuste souvent le viseur de sa caméra sur la famille Russell, qui vient d’emménager en face. Un soir, elle est témoin d’un crime. Mais faut-il la croire ?

A.J. Finn s’est démené comme un diable pour écrire ce roman dans lequel il partage des pans de sa propre histoire, puisqu’il est aux prises, comme Anna, avec des problèmes de santé mentale. Le succès qu’il connaît l’a vraiment surpris. « Ce fut toute une aventure, admet-il en entrevue. C’est extraordin­aire, j’ai le sentiment d’avoir gagné à la loterie ! »

FENÊTRE SUR COUR

L’éditeur devenu écrivain se souvient très bien des débuts du livre. « J’étais assis sur mon sofa, dans mon appartemen­t de Manhattan, et je regardais

Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. C’est un de mes vieux films préférés et je peux le regarder plusieurs fois sans me lasser. Dans mon champ de vision, j’ai vu une lumière s’allumer : c’était ma voisine d’en face, dans sa maison de ville. Et pour être fidèle à une des habitudes des gens de New York City, je l’ai espionnée. Elle ne faisait rien de spécial : elle s’installait dans son fauteuil avec sa télécomman­de pour regarder la télé. »

« Mais dans ma propre télé, j’ai entendu un des personnage­s du film accuser Jimmy Stewart d’espionner ses voisins. J’ai été surpris de voir comment, 61 ans après le tournage de ce film, j’espionnais mes voisins exactement comme Jimmy Stewart le faisait. Et puis cette idée a germé dans mon esprit... »

A.J. Finn rêvait d’écrire un livre. Ce n’était pas une ambition secrète, assure-t-il, puisqu’il s’était abreuvé, au fil des ans, des romans d’Agatha Christie, des aventures de Sherlock Holmes, des intrigues de Patricia Highsmith et Ruth Rendall, des pionnières du suspense psychologi­que. Comme éditeur, il était spécialisé dans les suspenses et les thrillers. « J’allais écrire un roman policier. Ça allait de soi. » Mais il n’avait pas d’histoire.

TROUBLE BIPOLAIRE

A.J. Finn a finalement entamé le projet à l’été 2015. Il n’a pas hésité à écrire sur ses propres tourments – la dépression et l’agoraphobi­e.

« Quand j’avais 21ans – j’en ai maintenant 38 –, j’ai reçu un diagnostic de dépression majeure. Il a fallu que j’attende 14 ans avant que ce diagnostic soit corrigé par un psychiatre russe qui a plutôt posé un diagnostic de trouble bipolaire de typeII et m’a prescrit un nouveau médicament. »

« C’est pendant la transition entre les deux que j’ai vu ma voisine allumer sa lumière. Je me sentais déjà beaucoup mieux et je voulais explorer ce que j’avais expériment­é, sans écrire un livre sur la dépression, ce qui serait... déprimant. »

« Une des choses que j’aime le plus avec le roman policier, c’est que parfois – pas toujours –, on peut apprécier les nombreux retourneme­nts, les indices. Mais en grattant la surface, on peut découvrir autre chose de plus important. Gone Girl est un bon exemple. (...) Dans ma vingtaine, j’aurais aimé entendre quelqu’un dire : oui, j’ai ce problème, mais je suis un être humain fonctionne­l. »

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