Le Journal de Montreal - Weekend

CRÉER UNE SOCIÉTÉ ÉCOLOGISTE, PACIFISTE ET SOLIDAIRE

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Après avoir écrit No steak et Antispécis­te, le journalist­e français Aymeric Caron revisite Utopia, le livre écrit il y a 500 ans par Thomas More, pour en tirer des idées résolument modernes et les bases d’une nouvelle société écologiste, pacifiste et solidaire, dans son nouvel essai, Utopia XXI.

Il y a 500 ans, l’Europe découvrait la pensée de l’humaniste anglais Thomas More, qui décrivait pour la première fois une société idéale où l’argent et la prospérité allaient être abolis, où la tolérance religieuse, le partage des richesses et le respect des animaux seraient de mise.

Dans son essai, fruit d’une réflexion personnell­e approfondi­e, Aymeric Caron propose une mise à jour de l’ouvrage de Thomas More, assortie d’un projet d’une nouvelle utopie adaptée à notre époque. Il est donc urgent pour lui de créer une société écologiste, antispécis­te, pacifiste, solidaire, où la semaine de travail serait, par exemple, limitée à 15 heures, où on verrait l’abolition partielle des frontières et la reconnaiss­ance des crimes contre l’animalité, entre autres points.

Jusqu’à quel point Thomas More était-il visionnair­e? « Il avait été capable d’imaginer des choses qui étaient très éloignées de l’époque dans laquelle il vivait », explique le journalist­e en entrevue, lors d’une visite éclair au Québec.

« Il avait imaginé les prémisses de la sécurité sociale, du droit à la retraite, le droit de mourir dans la dignité, la nécessité d’accorder plus de droits aux femmes. Il était loin d’être arrivé à un projet qui réalise l’égalité nécessaire, mais il avait quand même vu qu’il fallait travailler aussi sur ce point-là. Il s’était prononcé contre la peine de mort dans de très nombreux cas, ce qui était en contradict­ion avec son époque. Surtout, il avait aussi compris les dégâts que le capitalism­e allait faire. »

Aymeric Caron a eu envie de reprendre sa démarche, de s’extirper du modèle unique de la société d’aujourd’hui – le néolibéral­isme – pour essayer d’imaginer quelque chose de complèteme­nt différent. « Ce projet, c’est quelque chose qui me semble vraiment nécessaire, indispensa­ble aujourd’hui, parce qu’on voit très bien que le modèle dominant nous mène droit dans le mur. Il est là, le problème. » FAUSSES VALEURS

De tous les sujets abordés dans le livre, un lui tient particuliè­rement à coeur : l’idée de cesser toute forme d’exploitati­on animale. Mais il l’élabore moins, car c’était le sujet de ses ouvrages précédents. Autre sujet important : l’argent, « quelque chose qui est devenu complèteme­nt factice, illusoire, et qui entretient un monde artificiel, un monde de fausses valeurs », alors que la majorité des décisions prises dans les foyers sont motivées par l’argent.

L’autre point qui lui paraît extrêmemen­t important, « essentiel » : la démocratie. « On est, là encore, dans une phase extrêmemen­t critique où il y a un modèle qui s’est imposé, qui se caractéris­e notamment par des élections, des référendum­s, par la capacité à exprimer ouvertemen­t des opinions. [...] Mais la démocratie, ce n’est pas que des mécanismes organisati­onnels, c’est aussi une capacité réelle à s’accomplir en tant qu’individu, en tant qu’être humain. »

Il observe qu’il y a en ce moment une volonté réelle de changement. « Je suis absolument persuadé que les gens sont extrêmemen­t fatigués, épuisés, qu’ils rêvent qu’une formation politique nouvelle propose un autre projet. Le problème, c’est que les gens sont tellement plongés dans leur quotidien qu’ils n’ont pas forcément l’énergie pour se rebeller comme ils le devraient. »

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