Le Journal de Montreal - Weekend
LES 50 ANS DE 2001, ODYSSÉE DE L’ESPACE
Précurseur de Rencontres du troisième type, Alien, Blade Runner et Contact, 2001, Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick fête son demi-siècle. Retour sur le « making of » d’une oeuvre qui a marqué l’histoire du septième art.
La première de 2001, Odyssée de
l’espace le 2 avril 1968 à Washington D.C. marque la fin de quatre années de travail acharné de la part de Stanley Kubrick. Lorsque le réalisateur de Docteur Folamour rencontre Arthur C. Clarke le 22 avril 1964, il ne lui cache pas son intention de mettre en images « la relation de l’Homme avec l’univers ». L’écrivain lui ouvre sa bibliographie et, en mai, Kubrick décide que les deux hommes utiliseront la nouvelle La
Sentinelle comme point de départ. Le duo effectue des recherches, interroge des scientifiques, visionne quantité de films de science-fiction et de documentaires, car il faut se rappeler qu’à l’époque, Neil Armstrong n’a pas encore posé le pied sur la Lune !
En avril 1965, Kubrick, s’inspirant de L’Odyssée d’Homère, choisit officiellement 2001, Odyssée de l’espace comme titre de son film, délaissant le How the Solar System Was Won (« La conquête du système solaire ») utilisé précédemment en référence à La conquête
de l’Ouest des studios MGM qui financent le long métrage à hauteur de six millions $ (il en coûtera 10,5 millions $ et le réalisateur livrera le film avec 16 mois de retard).
CONTRÔLE ABSOLU
Dès le début, ce sont les décors, les accessoires et les costumes qui demandent le plus de travail. Non seulement Kubrick veut tout contrôler – le tournage se déroule en Angleterre –, mais il veut que tout soit scientifiquement exact et futuriste. Résultat, des dizaines de spécialistes sont consultés. La nourriture que mangent les astronautes du film est développée par la NASA, les commandes des panneaux de contrôle des vaisseaux spatiaux par des ingénieurs en aérospatiale et HAL 9000, l’ordinateur meurtrier à la voix si froide est conçu par IBM malgré les récriminations de Kubrick qui insiste sur sa miniaturisation.
Le cinéaste approuve tout, y compris les tissus pour les costumes des astronautes dessinés par d’anciens ingénieurs de la NASA, il supervise les négociations avec Pan Am, la défunte compagnie aérienne dont le logo doit figurer sur le casque des hôtesses, etc. Les moindres détails visuels de 2001,
Odyssée de l’espace sont à ce point visionnaires qu’ils ne sont toujours pas démodés. La coutellerie utilisée par les astronautes et dessinée par le Suédois Arne Jacobsen est toujours en vente aujourd’hui ! Le mobilier inspire des tendances durables, tels les chaises Djinn d’Olivier Mourgue ou les espaces de travail d’Herman
Miller.
EFFETS VISUELS
À la barre des effets – on en compte 205 alors que le premier film La
guerre des étoiles en comporte 350 –, on trouve Douglas Trumbull, l’homme qu’iront chercher Steven Spielberg pour Rencontres
du troisième type et Ridley Scott pour Blade Runner. Afin de simuler les déplacements des astronautes en apesanteur, il fait construire une centrifuge par Vickers-Armstrong au coût de 750 000 $.
Le sol lunaire est composé de tonnes de sable que Kubrick fait importer, puis laver et peindre en gris. Et l’illusion est si convaincante que les amateurs de théories de conspiration arguent encore aujourd’hui que c’est Kubrick qui a filmé le faux alunissage de Neil Armstrong et Buzz Aldrin dans les décors de 2001 !
Comble de l’ironie, le seul Oscar que Stanley Kubrick (et que le film) a gagné au cours de sa carrière a été pour les effets visuels de 2001,
Odyssée de l’espace puisque le cinéaste n’avait inscrit que son nom !