Le Journal de Montreal - Weekend
UNE FEMME INOUBLIABLE
L’intrigue de La femme de Valence n’est pas banale et elle est de surcroît servie par une écriture finement ciselée. C’est bon et c’est beau.
Une femme, Claire Halde, séjourne à Valence, en vacances avec sa petite famille. Allongée sur la terrasse de l’hôtel, là où se trouve la piscine, elle voit s’avancer vers elle une inconnue, qui lui confie son sac à main. Puis cette femme plonge dans le vide.
Quelques années plus tard, Claire retourne à Valence et disparaît à son tour. À sa fille maintenant de tenter de comprendre ce qui s’est passé.
On dirait un thriller ? Un peu, mais ce n’est que l’apparence. Le véritable sujet de
La femme de Valence, c’est le désarroi. Celui de la femme qui meurt et dont on ne sait rien. Celui de Claire qui n’arrive pas à oublier le drame survenu sous ses yeux pendant que son conjoint et ses enfants s’amusaient dans l’eau, ignorant ce qui se passait à leurs côtés. Et celui d’une petite fille de six ans qui, 16 ans plus tard, est à son tour à Valence, le temps d’un marathon qui, l’espèret-elle, la rapprochera de sa mère envolée.
Entre ces trois femmes, les liens sont faits d’un mélange d’empathie et de mystère que l’auteure saura nous faire voir, tout en nous tenant en haleine jusqu’à la fin. C’est en soi intéressant.
Mais le grand plaisir de ce roman particulier, c’est sa qualité d’écriture.
L’auteure Annie Perreault a déjà publié un recueil de nouvelles, mais il s’agit ici de son premier roman. Or, non seulement le récit, inspiré d’une histoire vécue, est solidement maîtrisé, mais il se déploie dans une langue si riche que nous voilà à voir, entendre, sentir l’action comme si on y était.
Ainsi de la femme qui s’avance, celle qui va sauter : « Le tissu raide de sa jupe acier, carcan de polyester infroissable qui brille au soleil, comprime son corps ramassé dans ses plis de détresse. Sa silhouette est frêle, osseuse, inquiétante à contre-jour. Une tension dans ses hanches, une crispation dans ses mâchoires. »
UNE RÉUSSITE
Tout dans le roman est à la hauteur de cette description, aussi précise que vivante. Le vocabulaire n’est pas choisi pour faire de l’effet, mais par souci d’une juste évocation. Une réussite.
Ce faisant, nous sommes dans la peau des personnages et nous traversons sans mal les récits qui s’entrecroisent : du suicide déroutant de 2009, au retour en Espagne de Claire en 2015, puis au marathon couru par sa fille en 2025. Comme elles, nous aurons chaud à Valence, et nous aurons tous les sens en éveil en les suivant dans leur quête.
Et c’est en comparant ce roman à tant d’autres fictions qui se publient que l’on constate qu’on croise peu souvent une telle minutie dans le choix des mots, complètement au service du propos. Du bonheur pour les amoureux de la langue, et la découverte d’une auteure à suivre.