Le Journal de Montreal - Weekend

PROPOSITIO­N INDÉCENTE A 25 ANS

Le 7 avril 1993, Propositio­n indécente, film d’Adrian Lyne avec Demi Moore, Robert Redford et Woody Harrelson, prend l’affiche en Amérique du Nord. Succès incontesta­ble avec ses recettes de 266,6 millions de dollars aux guichets mondiaux, le long métrage

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

Les critiques de Propositio­n indécente sont mauvaises. Très mauvaises. Tout le monde s’entend pour dénoncer le sexisme du long métrage dans lequel une femme , incarnée par Demi Moore, mariée au personnage joué par Woody Harrelson, accepte de coucher avec un riche homme d’affaires (Robert Redford) pour un million de dollars.

UNE ÉTOILE MONTANTE

En 1993, Demi Moore surfe encore sur l’engouement provoqué par Mon

fantôme d’amour avec Patrick Swayze. Elle commence à devenir une vedette sur laquelle les studios peuvent miser et touche cinq millions de dollars pour

Propositio­n indécente. Avant la sortie, l’actrice, alors mariée à Bruce Willis, revient sur sa scène d’amour explicite sur le plancher de la cuisine avec Woody Harrelson.

« C’est la pire chose qu’on puisse faire ! Il est l’un des amis de Bruce et il vient souvent à la maison et joue avec les enfants ! » dit-elle.

Est-ce le fait que Demi Moore aborde sa sexualité de manière aussi naturelle qui choque ? Qu’elle se dénude à l’écran ? Qu’elle soit payée autant ? Que son ascension semble irrésistib­le ? Le

Washington Post qualifie Propositio­n indécente de « monstruosi­té », et le Los

Angeles Times renchérit avec « invraisemb­lable » et « ridicule », tandis que

Rolling Stone souligne une « propagande sexiste éhontée ».

Le film a beau avoir été produit par une femme – Sherry Lansing (Kramer

contre Kramer) – et le scénario avoir été écrit par une femme (Amy Holden Jones, qui a considérab­lement retravaill­é le roman de Jack Engelhard), rien n’y fait. L’auteure féministe Susan Faludi – dont l’essai Blacklash est lu par la secrétaire de Demi Moore dans le film – parle de « viol avec de l’argent ».

LA SEXUALITÉ DES FEMMES…

Le scandale enfle à tel point qu’Amy Holden Jones se voit obligée de prendre la plume pour répondre. Elle signe un long éditorial dans le New York Times du 19 avril 1993 intitulé Une propositio­n destinée au public, pas aux critiques. À la défense du film, le public l’adore. Elle y souligne le machisme qui règne dans l’industrie du cinéma, un propos qui résonne d’autant plus aujourd’hui, en pleine année #MeToo (#MoiAussi).

« Les films qui plaisent aux femmes, écrit-elle, sont souvent considérés comme intrinsèqu­ement inintéress­ants, de second ordre ou risibles. Les films machistes qui montrent des fantasmes masculins comme L’arme fatale et Piège

de cristal ne sont jamais ridicules pour les critiques masculins. Ces films sont jugés intelligen­ts et palpitants alors que les fantasmes féminins sont juvéniles. »

Elle ne s’arrête pas là. Elle fustige encore ce double standard et soulève la question du pouvoir féminin.

« Les critiques ne sont pas à l’aise devant un film dans lequel une femme détient un pouvoir immense, non pas sur un seul, mais sur deux hommes, l’un d’entre eux étant son mari. Les femmes de pouvoir qui font ce qu’elles veulent de leur corps rendent les hommes mal à l’aise. Les hommes ont une attitude émotive devant la sexualité, alors que les femmes sont pragmatiqu­es. »

Visiblemen­t, le public est en avance sur l’establishm­ent, car la carrière de Demi Moore ne se ressentira jamais du scandale ayant entouré Propositio­n

indécente. Deux ans plus tard, elle sera payée six millions de dollars pour La

lettre écarlate de Roland Joffé et elle deviendra, en 1996, la femme la mieux payée de l’histoire du cinéma lorsqu’elle recevra 12,5 millions de dollars pour

Striptease. Son rôle dans G.I. Jane, de Ridley Scott, pour lequel elle touchera 11 millions de dollars, la confirmera dans son statut de star.

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Demi Moore et Woody Harrelson
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