Le Journal de Montreal - Weekend
APPRENDRE À VIVRE GRÂCE À LA MUSIQUE
À temps pour le Salon international du livre de Québec où il est cette année président d’honneur, Éric-Emmanuel Schmitt propose ce printemps un fabuleux conte initiatique où la musique apprend à vivre et à aimer : Madame Pylinska et le secret de Chopin.
Madame Pylinska, une Polonaise tranchante et excentrique qui place l’amour de la musique au-dessus de tout, a une étrange manière d’enseigner le piano : elle tyrannise son élève.
Pour entrer dans le mystère de Chopin, elle exige que son apprenti écoute le silence, cueille des fleurs à l’aube, suive le vent dans les arbres et apprenne à aimer vraiment, de tout son être. Elle enseigne ainsi que l’oeuvre d’un musicien de génie peut enchanter toute une vie et lui donner un sens.
Éric-Emmanuel Schmitt assure que cette histoire excellente s’est écrite tout naturellement. « C’est un texte qui est sorti presque sans que je m’en rende compte, comme ces textes qu’on porte totalement au fond de soi. C’est sorti avec évidence », commente-t-il en entrevue, quelques jours avant son départ pour le Québec.
LE PIANO DE SON ENFANCE
Le texte est pour une large part autobiographique. « J’ai été cet enfant ébloui par la musique de Chopin lorsque j’avais neuf ans, alors que ma soeur torturait un meuble en bois qu’ils appelaient le piano et que je fuyais. Et puis tout d’un coup, ma tante, Aimée, est venue un jour à la maison et elle a sorti du son absolument enchanteur de ce piano. Et c’est là que j’ai demandé à mes parents d’apprendre le piano. »
Après, toute sa vie, il avoue avoir cherché le secret de Chopin. « À Paris, dans les années 1980, j’ai pris des cours. J’ai rencontré une femme qui ressemblait à Madame Pylinska. Et ma tante Aimée, je raconte aussi son histoire. Cette histoire d’une femme qui a fait croire qu’elle était dissipée. En fait, elle protégeait un amour illicite qu’elle avait avec un homme et je suis le seul à qui elle avait raconté la vérité. »
Le parallèle entre l’histoire de sa tante Aimée et la musique de Chopin est très finement étudié dans le livre. « Comment vivre intensément même quand son univers réel s’est réduit ? Chopin lui offrait toute la gamme des sentiments en permanence et lui permettait de vivre comme un coeur qui palpite. »
Madame Pylinska n’avait plus d’homme dans sa vie... mais il y avait toujours Chopin, ce qui montre, comme le dit l’écrivain, « le rôle énorme de la musique, qui réveille notre sensibilité, qui nous donne des émotions, qui rend les instants intenses, comme les instants qu’on peut passer auprès de quelqu’un qu’on aime. Bref, c’est la meilleure compagnie du monde ! »
DES DEVOIRS
Madame Pylinska donne des devoirs à son élève pianiste, lui enseignant à développer sa perception, son attention aux détails, une délicatesse. « On voit que j’étais un garçon qui allait de l’avant, d’une façon un peu brusque, dans une démarche extrêmement volontaire, et toujours une démarche de maîtrise. Et elle m’apprend à être délicat, à ramasser des fleurs sans faire tomber la rosée, à contempler le monde, le vent dans les ramures, les ronds dans l’eau. Elle m’apprend à consentir à la sensualité, à consentir à l’amour, à faire l’amour en regardant dans les yeux. Enfin... je ne sais pas si elle m’a appris le piano, mais elle m’a appris à vivre. »
La musique, tout naturellement, est bien présente dans l’écriture d’Éric-Emmanuel Schmitt : l’harmonie, les silences, le rythme, la musicalité des phrases. Une écriture magnifiquement liée, fluide, apaisante. « Il y a toujours ce culte de l’intimité que peut avoir un auteur avec son lecteur, que moi, j’ai appris en fréquentant Chopin. » En librairie le 11 avril. Éric-Emmanuel Schmitt est dramaturge, romancier, nouvelliste, essayiste, cinéaste. Il est traduit en 40 langues et joué dans autant de pays. ll est l’un des auteurs les plus lus et les plus représentés dans le monde. Il a été élu en janvier 2016 à l’Académie Goncourt.