Le Journal de Montreal - Weekend
UN CLAN À L’IMAGE DE L’AMÉRIQUE
En parallèle avec les événements marquants des années 1970 et 1980, le romancier américain Douglas Kennedy s’est penché sur la dynamique des familles, leurs secrets et leurs tourments, dans sa nouvelle série, La symphonie du hasard.
L’héroïne de cette série, Alice Burns, est éditrice à New York. Alors qu’elle rend visite à son jeune frère Adam, jeune loup de Wall Street qui croupit en prison, leur rencontre hebdomadaire prend un tournant inattendu. Adam lui révèle un secret qui menace les derniers liens qui unissent Alice à sa famille.
Alice, au fil des pages, replonge dans l’histoire de sa famille, un clan volontaire, assoiffé de réussite, souvent attaqué, ambitieux jusqu’à la moelle, mais toujours en quête de rédemption. Sa quête la mènera, au fil des trois tomes de la série, de New York à Dublin, en passant par l’Amérique latine.
Douglas Kennedy s’est intéressé au thème de la famille, notant que depuis Achille et Sophocle, ce thème a été l’élément central des structures narratives et du storytelling.
« C’est un thème qui est très présent dans mon oeuvre. Mais dans La symphonie du hasard, je voulais écrire une réinterprétation moderne des grandes sagas familiales du 19e siècle, dans lesquelles la nature profonde de la vie de famille est un thème prédominant. Et aussi un thème qui fait écho à une certaine période historique. Montrez-moi une famille qui n’a pas son lot de trahisons, de secrets... », commente-t-il, en entrevue par courriel.
À travers cette nouvelle série, il souhaitait examiner pourquoi l’Amérique cherche désespérément sa place aujourd’hui, en regardant de près les antécédents de ses guerres culturelles et ses divisions sociales. « Je voulais aussi explorer comment le malheur, spécialement au sein d’une famille, est un choix. »
« SECRETS ET MENSONGES »
« Les secrets et les mensonges sont au coeur de la vie américaine – surtout le plus gros mensonge qu’on se raconte aux États-Unis : que nous sommes sur le terrain préféré de Dieu. Les secrets et les mensonges sont au coeur de la famille d’Alice. »
« Nous voyons aussi les impacts sur ses parents et ses frères des énormes changements sociaux, économiques et culturels apportés dans les années 1970 et 1980, de la naissance du féminisme jusqu’à l’homophobie, en passant par le coup d’État au Chili, le sida et l’économie sous Reagan. »
Y a-t-il plusieurs éléments autobiographiques dans le roman ? « Alice, c’est moi, pour paraphraser Flaubert. Je n’ai pas grandi dans les banlieues du Connecticut (Dieu merci !). Mais nous avons passé chaque maudit été de mon enfance là, donc j’ai utilisé mon dégoût pour ses extrêmes blancs, anglo-saxons et protestants. »
Il poursuit. « Mes parents ont eu un mariage horrible. Ils étaient d’origine juive allemande du côté maternel et irlandais catholiques du côté paternel... comme les parents d’Alice. Et oui, mon père était dans la CIA et il a été activement mêlé au coup d’État chilien contre Allende et c’était un ami d’Augusto Pinochet, le dictateur chilien. Au-delà de cela, tout ce qui se trouve dans le roman est inventé. »
La symphonie du hasard est, dit-il, le plus long roman de sa carrière : le manuscrit faisait 1362 pages au total. « Je l’ai terminé au milieu d’un divorce... qui était un acte de défi pendant un passage difficile, mais nécessaire de ma vie. L’écriture me donne une forme d’équilibre, surtout lorsque je traverse une période difficile. »