Le Journal de Montreal - Weekend
MÉDITATION AU BORD DU FLEUVE
« Ai-je accompli mon destin ? », s’interroge le héros du beau roman d’Yvon Rivard. Et si le destin, c’était simplement de vivre ?
Yvon Rivard a à son actif des essais et des romans maintes fois récompensés. Avec Le dernier chalet, ses admirateurs se retrouveront en terrain connu et ceux qui ne le connaissent pas découvriront sa lucidité et son écriture sensible.
À nouveau, il donne la parole à Alexandre, son alter ego. Ce personnage est écrivain et on suit sa vie depuis déjà trois romans, parus par intervalles de dix ans, soit en 1986, en 1995 et en 2005. Les grandes lignes de cette trilogie sont rappelées dans
Le dernier chalet, ce qui permettra à chacun, même aux nouveaux lecteurs, de s’y retrouver.
BILANS
Alexandre a maintenant atteint la soixantaine, moment des bilans, particulièrement pour un intellectuel qui a constamment réfléchi sa vie et qui voit maintenant la mort se pointer.
Et lui qui a tellement loué de chalets ou en a été propriétaire – parce que c’est là qu’il peut véritablement écrire – il décide d’en acheter un dernier, comme le veut le titre du roman. Ce sera au bord du Saint-Laurent, ce fleuve majestueux qui inspire le mouvement comme la contemplation.
Tout le récit nous fera donc traverser le très long premier été – il se rend jusqu’aux premières neiges de novembre – qu’Alexandre et sa jeune compagne Marguerite vont passer dans leur nouvelle maison du BasSaint-Laurent.
Pendant tous ces mois, Alexandre revisitera ses souvenirs, ce qui ramène à l’enfance et à ce qui en subsiste. Mais on le suit aussi au jour le jour, attentif à la nature, entouré de voisins sympathiques, gentiment bousculé par une Marguerite plus terre à terre que lui, nourri de ses lectures de Gabrielle Roy, de Virginia Woolf – indissociables de l’oeuvre de Rivard – ou encore de la biographie de Samuel de Champlain, qui présente un homme soucieux de créer un monde nouveau.
Et ainsi, de questionnements en constats, on voit Alexandre accepter peu à peu d’habiter sa vie. Comme le renard qui rôde autour du chalet et pour lequel il se prend d’affection. On lit : « Lorsque le naturel revient, que je recommence à me demander ce que je devrais faire de ma vie, de ce qu’il en reste (écrire, méditer, m’occuper des autres, sauver le monde ?), l’image du renard furetant dans les bois et autour des fermes […] me rappelle à l’ordre : ma tâche est d’être vivant, d’entretenir la vie de cette petite planète que je suis et de cette autre où je vis […]. »
Ce roman entremêle le délicat apprentissage de la vieillesse aux gestes du quotidien (on y émonde des arbres, on aide un ami à faire les foins), tout en poussant une réflexion profonde et pourtant accessible sur le sens du passage humain sur Terre. Yvon Rivard ajoute bien là une parcelle à la beauté du monde.