Le Journal de Montreal - Weekend
Le prix de l’amour
Coproduit par Rachel Weisz, a été présenté au Festival du film de Toronto (TIFF), l’an dernier, et à Tribeca, il y a quelques semaines. Retour sur cette histoire d’amour entre deux femmes, juives orthodoxes, interprétées par Rachel McAdams et Rachel Weisz
ISABELLE HONTEBEYRIE Agence QMI
« Ce n’est pas tant les juifs orthodoxes qui m’intéressaient que l’exploration de la moralité, du libre arbitre et de la liberté, d’autant que presque plus rien n’est tabou dans le monde dans lequel nous vivons », a détaillé Rachel Weisz à Toronto l’an dernier.
« Or, il s’agit d’une communauté dans laquelle il y a énormément de tabous, qui adhère à une morale très stricte. Il y a une grande beauté là-dedans. J’ai trouvé qu’il s’agissait là d’un environnement parfait pour des gens qui testent les limites de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas. »
C’est après avoir lu le roman de Naomi Alderman que Rachel Weisz a proposé à Frida Torresblanco d’en produire l’adaptation cinématographique. « Je voulais raconter une histoire avec deux superbes rôles féminins, de dire l’actrice lors d’un entretien avec EW en marge du Festival de Tribeca. Je me suis dit que la manière de m’assurer que le film voie le jour serait de prendre une histoire d’amour, parce que ces femmes se désirent. Il fallait que le long métrage soit raconté de leur point de vue à elles.
« Afin de me préparer, j’ai lu énormément de littérature lesbienne. Cette histoire est extraordinaire parce qu’elle se déroule à Londres, à trois arrêts de métro de l’endroit où j’ai grandi et que c’est un monde dont je ne connaissais rien, mais qui existe tout près. » UN HOMME, DEUX FEMMES
« C’est une histoire triangulaire, c’est donc une histoire racontée de trois points de vue différents », a spécifié le réalisateur Sebastián Lelio, récipiendaire de l’Oscar du meilleur film en langue étrangère pour Une femme fantastique. Photographe new-yorkaise, Ronit (Rachel Weisz) apprend brutalement la mort de son père, un rabbin londonien. Elle saute dans le premier avion et se retrouve plongée dans la communauté orthodoxe qu’elle a quittée. Elle se fait héberger par Dovid (Alessandro Nivola), un ami d’enfance, et découvre à ce moment qu’il a épousé Esti (Rachel McAdams). Or, Esti et Ronit ont déjà été amoureuses l’une de l’autre. « Il fallait trouver la bonne chimie entre les acteurs, a ajouté Sebastián Lelio. Pour le rôle de Dovid, nous devions trouver un acteur avec, à la fois, une bonne dose de testostérone et de sensibilité pour faire contrepoids à ce qui se passe entre Ronit et Esti. J’aime l’idée qu’un homme puisse être à la fois masculin et sensible, c’est, pour moi, ce que représente Dovid. » Alessandro Nivola s’est aperçu, au bout de la lecture de quelques pages du roman, « que peu de choses dans la description du personnage me serviraient. Par contre, je savais que j’allais puiser dans la manière dont ce qui entoure Dovid est décrit. Mon personnage est très différent dans le livre, notamment dans son aspect physique. Dans le roman, il est le cousin de Ronit et cela modifie considérablement la dynamique entre eux deux. Sebastián a eu la brillante idée, dès le début du film, de faire douter le spectateur sur l’existence d’une relation sexuelle entre Ronit et Esti ». DILEMME
Rachel Weisz a souligné à quel point cette réflexion sur l’amour et la liberté lui tenait à coeur. « Le judaïsme n’est pas l’antagoniste ici, mais Esti ne peut pas être qui elle est et ne peut pas aimer qui elle veut.
« Le film montre la grande beauté de la spiritualité, qui comporte néanmoins un dilemme. On ne peut pas être gai et être orthodoxe. Il est impossible pour quelqu’un comme Esti de se réaliser à l’intérieur d’un fondamentalisme, d’une orthodoxie ou de quelque chose d’inflexible. Personnellement, j’ai un problème avec ce genre de chose, mais je ressens énormément d’empathie à l’endroit des personnes pieuses. »