Le Journal de Montreal - Weekend
LE PLUS FORT DE TOUS
Né dans les pages de l’hebdomadaire belge Spirou en mai 2013, Imbattable de Pascal Jousselin est fort probablement le plus puissant des superhéros de l’histoire. Et le plus désopilant, assurément.
Depuis la création de Superman en 1938 – seulement deux mois après l’arrivée de Spirou –, la popularité des superhéros n’a cessé de progresser. Grâce à l’imposante machine hollywoodienne, le genre superhéroïque vit des années fastes.
En Europe, le genre est surtout abordé sous l’angle parodique. Si la France a depuis un moment son Superdupont grâce au grand maître Marcel Gotlib, voilà que la Belgique se dote d’un nouveau justicier de papier. Ce héros de l’ordinaire est muni d’un super-pouvoir à ce jour inédit : celui de contrôler chacune des pages de ses aventures. Qu’il combatte un robot fou ou qu’il vienne en aide à un croquant chaton pris dans un arbre, il triomphe toujours de tout, car il connaît le dénouement avant tout le monde. Par le truchement d’un mécanisme rappelant le jeu de Serpents et échelles, il réussit à entretenir un canal de communication avec son avatar des cases subséquentes, ayant ainsi un pas d’avance sur l’action.
« J’ai toujours été intéressé par ce qui fait la spécificité de la bande dessinée, les raisons pour lesquelles ce médium n’est ni un cinéma du pauvre ni une sorte de texte illustré. De là, l’idée de faire quelque chose qu’on ne peut justement faire qu’en BD est venue assez naturellement... », explique Pascal Jousselin. « Ensuite, lorsque j’ai pensé à un personnage qui pourrait voir les autres cases de la page et se déplacer au sein d’une planche comme bon lui semble, assez logiquement, la notion de super-pouvoir (et donc de superhéros) est arrivée immédiatement. »
Ce jeu formel permet ainsi à l’auteur de rejoindre le comité de l’OUBAPO (L’ouvroir de bande dessinée potentielle), qui compte parmi ses rangs de nombreux créateurs émérites, dont Marc-Antoine Mathieu, Étienne Léocrart et, plus près de nous, Jean-Paul Eid et son Fond du trou.
Est-ce que ce genre de récit peut finir par battre de l’aile ? « Vu que c’est un projet au principe assez particulier, il y a, en effet, de gros risques de s’essouffler ou de trop se répéter. Initialement, le personnage n’a pas été créé dans l’idée d’être une longue série. Assez rapidement, je me suis rendu compte de plusieurs choses. D’abord, ce pouvoir tout simple permettait beaucoup plus de choses que j’aurais imaginé. Ensuite, ce qui m’intéressait dans ce projet, c’était intégrer de manière cohérente ces jeux sur le langage dans une BD classique d’aventures humoristiques tout public, l’aspect “astuces sur le langage” ne devenant ainsi qu’une des données de l’équation », expose-t-il.
FACE CACHÉE
« Le ton, l’humour en retenue, le décorum, tout cela est un peu la “face cachée de l’iceberg”, car c’est beaucoup moins visible que les jeux sur le médium, mais c’est un aspect tout aussi important pour moi. » Inventives, hilarantes, ludiques, captivantes, les aventures d’Imbattable s’avèrent au final un nouveau laboratoire séquentiel où tant les zygomatiques que les neurones des lecteurs sont interpellés.