Le Journal de Montreal - Weekend
À l’assaut de la France
Sugar Sammy
Sam, ton spectacle You’re Gonna
Rire est depuis peu offert en DVD et en téléchargement. Pourquoi était-ce important pour toi de le graver dans le temps ?
J’ai quand même marqué l’histoire culturelle québécoise. You’re Gonna Rire était le premier spectacle bilingue, mais aussi multiculturel à être présenté ici. J’ai apporté une dimension qu’on n’avait pas encore vue dans la culture populaire du Québec. Il était important aussi pour moi d’enregistrer le spectacle, parce que le titre a provoqué des réactions assez incroyables, dans les journaux et à la radio, quand on l’a annoncé. Plusieurs pensaient que ça représentait une menace pour la culture québécoise, alors que personne n’avait encore rien vu ! Aujourd’hui pourtant, après sept ans, les spectacles bilingues font partie du paysage. Ça ne provoque plus de réactions épidermiques !
Dans ce spectacle, tu faisais quand même une certaine critique de la société québécoise en pointant ses travers d’un regard extérieur. Comment as-tu réussi ça, alors que tu es toi-même québécois ?
J’analysais tout ça de l’extérieur parce qu’à cette époque je faisais toujours des tournées à l’étranger. Et souvent, je n’étais pas perçu comme un Québécois, même si je suis né à Montréal et que j’ai tout fait pour entrer dans cette case. J’ai fait mes études en français, je parle français, je l’écris... J’ai beau avoir tout fait pour être québécois, aujourd’hui encore, certains ne le réalisent pas. Je suis né ici et j’ai été élevé ici... Qu’est-ce qu’il faut de plus ? Je pense que bien des personnes se sont reconnues dans mon spectacle ou du moins, qu’elles ont trouvé ça intéressant, parce qu’elles savaient qu’une partie de la population avait vécu ce que j’exprime.
Tu présentes actuellement un spectacle en France. Appliques-tu la même méthode pour conquérir les Français ?
Je suis né au Québec, et mon coeur sera toujours ici ; je ne veux pas devenir un Français. En plus, pour des raisons fiscales, je préfère payer mes impôts au Québec. Tu sais que les impôts sont élevés en France quand le Québec devient un paradis fiscal (rires) ! Mais en France, j’ai un peu le même point de vue extérieur, même si je connais bien les Français. D’ailleurs, je reçois souvent le même commentaire des humoristes français, soit que je peux dire ce qu’eux ne peuvent pas dire. Je suis content, parce que ça veut dire que j’apporte quelque chose de nouveau et aussi parce qu’ils ne pourront pas me voler mes blagues !
As-tu cherché à comprendre les moeurs des Français et leurs codes avant d’écrire ton spectacle ?
Comme auteur, j’ai poussé l’expérience beaucoup plus loin. En France, on est moins limité. On peut être transgressif, écrire sans filtre et pousser le propos plus loin. Là-bas, pour qu’il y ait une controverse, il leur en faut beaucoup. C’était vraiment intéressant pour moi de constater qu’ils ne sont pas si sensibles que ça. Ça a aiguisé mon appétit quand est venu le temps d’écrire les textes... D’ailleurs, j’ai commencé à tricoter mon prochain spectacle québécois et je veux aller plus loin que dans le premier. Alors, soyez avertis (rires) ! Depuis près de trois ans, tu formes un couple avec Nastassia Markiewicz, une actrice et mannequin torontoise. Vivez-vous votre amour à distance ? Non, pas du tout. Elle est toujours mannequin et actrice, mais elle travaille aussi avec moi, maintenant. C’est souvent elle qui filme les capsules d’impro que je fais. Elle fait même le montage. C’était important qu’elle soit à mes côtés. Je suis avec une femme avec qui j’ai une relation incroyable !
Avez-vous l’intention de vous marier et d’avoir des enfants ?
On en parle... C’est sûr que je veux avoir des enfants, et elle aussi. Mon frère a eu un fils récemment et, lorsque je vois la relation qu’il a avec lui, je me dis que c’est exactement ce que je veux vivre, moi aussi. Ça me donne encore plus envie d’avoir un enfant ! Ça arrivera un jour, et j’espère qu’il naîtra au Québec. Mes parents ont hâte eux aussi ; ils n’arrêtent pas de nous demander quand on aura un enfant !
Tes parents sont-ils allés voir ton spectacle en France ?
Non. Mes parents ont un périmètre qui se limite à leur quartier. En dehors de ça, rien n’existe (rires) ! Mais ils sont contents de mon succès. Ils n’aiment juste pas voyager. Ils ont quand même vu mon spectacle à Montréal.
Dix ans après le début de ton succès auprès du public francophone, qu’est-ce qui a changé en toi ?
Dans les 10 dernières années, j’ai beaucoup appris, et ce, tant sur le plan personnel que professionnel. En tant qu’humain, on est en évolution constante et on essaie toujours de s’améliorer. Cette quête ne finit jamais et elle ne devrait jamais finir. Je suis quand même content d’avoir eu du succès sur le tard, j’étais dans la mi-trentaine. Ça m’a permis d’être assez mature pour ne pas me laisser influencer.