Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND LA RÉALITÉ RENCONTRE LA FICTION
Pour écrire et réaliser son thriller Identités, l’acteur et réalisateur québécois Samuel Thivierge s’est librement inspiré d’une histoire de fraude dont a été victime sa famille il y a quelques années. Et il a réussi à convaincre Gilbert Sicotte et l’acte
La première chose qui a frappé Gilbert Sicotte quand il a rencontré Samuel Thivierge, c’est la ténacité du jeune homme. Thivierge s’était mis en tête que Sicotte était l’acteur idéal pour jouer un des personnages principaux de son film, et il était prêt à tout pour le convaincre d’accepter le rôle.
« Il m’avait envoyé le scénario de son film, et j’ai trouvé que c’était une bonne histoire, bien écrite, qui avait un côté
thriller », indique Sicotte, dont c’est le premier rôle important au cinéma depuis Paul à Québec (en 2015).
FAIT VÉCU
« Mais Samuel avait tellement un désir profond de faire son film qu’il m’a aussi impressionné avec sa conviction et sa détermination. Il ne lâchait pas prise. Il rappelait souvent, il a préparé un petit mot pour présenter son film. Je crois que ça compte, ce genre de choses. C’est toujours bien quand on sent que la personne veut vraiment travailler avec vous. »
En plus d’avoir écrit, produit et réalisé son film, Samuel Thivierge en est aussi la vedette principale. Il incarne Christopher, un jeune homme qui fuit sa petite ville natale pour aller s’installer à Montréal. Aussitôt arrivé dans la grande ville, il se trouvera un petit boulot dans un garage géré par deux escrocs (Samy Naceri et Frédéric Gilles). Ceux-ci prendront Christopher sous leur aile et l’entraîneront à devenir un habile fraudeur.
Pour écrire le scénario d’Identités, Samuel Thivierge, 28 ans, s’est inspiré en partie de la saga judiciaire dans laquelle sa famille est plongée depuis quelques années. En 2015, la famille Thivierge a vendu sa pourvoirie à un homme qui s’est révélé être un fraudeur. Elle n’a jamais vu la couleur de son argent à la suite de cette transaction.
Mais pour Thivierge, l’idée d’explorer des sujets comme le vol d’identité et la fraude remonte plus loin que cette mésaventure :
« Déjà, en 2009, je m’étais fait offrir un rôle dans un film qui parlait de vol d’identité et la thématique m’intéressait beaucoup », dit-il en entrevue.
« Puis, en 2015, quand cette histoire est arrivée à ma famille, je me suis rendu compte que mon devoir était de faire un film pour parler de l’envers de la médaille. J’ai voulu m’inspirer de la tourmente et des remises en question qui surviennent aux gens qui vivent ce genre de drame. Je me suis inspiré de l’histoire de mon père (joué dans le film par Gilbert Sicotte) pour arriver à montrer à la fois le point de vue du fraudeur et le point de vue de la victime. Ce qui était important pour moi, c’est que le film brise les tabous sur ce problème. Les gens qui sont victimes de ce genre de fraude ont souvent trop honte pour en parler. »
FINANCEMENT PRIVÉ
Comme pour son premier film (La fille du Martin, sorti en 2014), Samuel Thivierge a dû faire preuve de débrouillardise pour financer son long métrage. En allant chercher du financement privé et en faisant appel à sa famille et aux gens de sa région (le Lac-Saint-Jean), il a réussi à tourner son film avec un budget d’un million de dollars.
« Il a fallu piler sur mon orgueil et aller cogner aux portes des gens pour demander de l’aide, explique Samuel Thivierge. On avait un projet auquel on croyait vraiment, mais on n’avait pas tout le financement en place. En allant tourner le film dans ma région, ça m’a permis d’avoir un coup de main des gens que je connais.
« J’ai eu du financement privé pour le film. J’ai eu des prêts. J’ai emprunté à la banque. Les cartes de crédit et les marges de crédit y ont passé. On a eu beaucoup de refus des organismes culturels, mais on a demandé de l’aide de commandites, et on a réinvesti nos salaires pour pouvoir faire le film. Mais à cause de cela, notre obligation de réussite est très haute. J’ai des comptes à rendre. Si le film ne rapporte pas de sous, je n’aurai peut-être pas l’occasion d’en faire d’autres. Je risque même la faillite. Le film a coûté plus d’un million de dollars. Mais ce n’est pas sa valeur réelle. Je dirais que c’est un film qui aurait facilement pu coûter 3 ou 4 millions $. Tout l’argent a vraiment été mis dans le film. »
Le film Identités prend l’affiche partout au Québec vendredi (le 8 juin).