Le Journal de Montreal - Weekend

FRÈRE AIMÉ, FRÈRE DÉTESTÉ

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

La jalousie en amour est connue, mais celle dans la famille peut être aussi implacable et traverser toute une vie.

Françoise de Luca vit à Montréal, mais vient de l’Italie, et c’est en Europe qu’elle campe ce roman, son troisième, qui explore la relation complice d’un frère et d’une soeur qui un jour, brusquemen­t, prend fin.

Où est donc passé le gentil Mathéo dont Mathilde était inséparabl­e ? Pourquoi en est-elle venue à rester immobile un soir où elle l’aperçoit à l’aéroport, alors qu’elle ne l’a pas vu depuis dix ans ? Le renard roux de l’été s’ouvre sur ces questions et finira par y donner des réponses.

Entre les deux, Mathilde se sera bâti une vie bien à elle, dont nous suivrons les étapes, racontées sans faux-fuyant.

L’enfance par exemple : elle ne fut pas idyllique. L’attention allait aux hommes dans cette famille très traditionn­elle d’une petite ville de France et la mère était prompte à couper les ailes de sa Mathilde un brin rebelle.

RELATION SYMBIOTIQU­E

Comme les deux faces d’une même médaille, Mathilde est en fait l’exact envers du petit Mathéo tout timide. Il y a d’autres frères et soeurs dans la famille, mais aucun duo comme le leur.

La fin de l’adolescenc­e les emporte ailleurs : Mathéo le timide sombre dans le prêchi-prêcha religieux qui laisse tout le monde sans réaction. Mathilde, elle, rompt avec son milieu. Direction la grande ville et les beauxarts, car peintre elle sera, voilà !

Évidemment, elle tombera en amour : avec une étudiante, artiste comme elle. Mais au bout de l’année, Sara part rejoindre son père, diplomate, au Japon. On promet de s’écrire, et Mathilde espère. En vain. L’espoir, pourtant, durera longtemps, des années.

Ce n’est pas sa famille qui sauvera Mathilde de son immense chagrin. Ses rapports avec Mathéo sont passés de difficiles à exécrables à inexistant­s. Elle se rapproche de sa mère, la comprendra enfin, mais celle-ci mourra peu de temps après cette réconcilia­tion. Mathilde se raccrocher­a donc à l’art. Son travail, qui peu à peu devient une oeuvre, la conduira à New York.

FAIRE LA PAIX

Ces soubresaut­s qui mènent à l’âge adulte sont racontés avec subtilité. Il y avait de l’amour finalement sous l’âpreté de la relation mère-fille. La peine d’amour de Mathilde lui fait découvrir la force de l’amitié. Et les passages du roman qui sont consacrés à l’art sont si riches qu’ils permettent de vraiment comprendre que peindre soit aussi une manière de respirer.

On suivra donc avec affection cette jeune femme qui se développe, trouve sa place et qui, finalement, parviendra à accepter de regarder en face les raisons profondes de la brisure d’autrefois avec son frère, puis à faire la paix avec celle-ci.

Françoise de Luca nous fait partager ce cheminemen­t sans précipitat­ion, avec beaucoup de douceur. Ce sentiment, guère à la mode, donne à son récit des airs de tableau ancien, aussi agréable qu’apaisant à contempler.

LE RENARD ROUX DE L’ÉTÉ Françoise de Luca Marchand de feuilles 245 pages

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