Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND LE DESTIN NOUS FAIT TRÉBUCHER
Auteure star de la littérature française, avec plus de deux millions d’exemplaires vendus, Agnès Martin-Lugand revient cet été avec un roman très émouvant, À la lumière du petit matin. Son héroïne, professeure de danse, sombre dans la mélancolie à cause d’une liaison qui ne mène nulle part. Jusqu’à ce qu’un choc important vienne la sortir de sa torpeur.
Hortense, à la veille de ses 40 ans, partage ses journées entre son métier de professeur de danse et sa liaison torride avec Aymeric, un homme narcissique déjà engagé qui l’a complètement séduite.
Elle dit qu’elle est heureuse... jusqu’au jour où elle a le sentiment de devenir spectatrice de sa propre vie. La prise de conscience s’opère tandis qu’elle séjourne à La Bastide, la maison provençale de ses parents décédés.
« Beaucoup de lecteurs, un peu comme tous les ans, me disent qu’ils se sont attachés à Hortense, et qu’ils s’y sont identifiés même sans avoir vécu cette situation. Ils ont été vraiment en empathie avec elle », partage Agnès Martin-Lugand, en entrevue.
Plusieurs d’entre eux vouent une haine féroce à Aymeric, d’autres lui donnent des retours qui rejoignent son ressenti vis-à-vis de cet homme-là.
« Je ne peux pas détester complètement Aymeric – c’est impossible, je l’ai créé. Mais les lecteurs ont une empathie pour Hortense et n’avaient pas envie de terminer le livre parce qu’ils ne voulaient pas quitter La Bastide. »
LE CORPS, AU CENTRE
La première chose à laquelle la romancière a songé, pour écrire ce roman, est l’image d’une professeure de danse qui se blesse.
« J’avais vraiment envie de travailler le rapport au corps. Très rapidement, sa situation amoureuse avec Aymeric s’est ajoutée à ça. Pour moi, ça allait aussi dans le sens de son rapport au corps : finalement, son corps, c’est son moyen de communication avec Aymeric. Et c’est l’image qu’elle dégage d’elle-même pour lui aussi. Elle fait tout pour lui plaire et ne lui montre pas la vraie Hortense. »
Agnès a eu envie de sortir de la caricature de la maîtresse, femme fatale, briseuse de famille, assez méchante. « J’avais envie de parler de la femme amoureuse qui souffre en silence, tout simplement, et dans le secret. »
La souffrance psychologique rejoint la souffrance physique, avec la blessure.
« Elle a mal partout, en fait. Avec sa vraie blessure physique, j’avais envie de la déposséder de ce corps qui servait à tout et à n’importe quoi, pour qu’elle apprenne à s’exprimer d’une autre manière que par son corps. Elle n’utilise que ça pour exprimer ses chagrins, pour exprimer sa joie et j’avais envie de lui apprendre à parler autrement qu’avec son corps. » L’écrivaine ne voulait pas porter de jugement et a choisi un sujet audacieux.
« Je savais que je prenais le risque d’en déranger certains en parlant de ça. Mais c’était ça que je voulais raconter. Ça a été une écriture très intéressante, un apprentissage. Il y a eu de grands moments de doutes – c’est nourrissant aussi –, mais j’ai vécu un yoyo émotionnel en l’écrivant. La situation d’Hortense faisait que moi-même, je me posais des questions. J’ai écrit comme mes tripes me disaient d’écrire. »
RETOUR AUX SOURCES
À travers le changement d’Hortense, Agnès a vraiment aimé la faire revenir aux sources.
« C’est quelque chose que je n’avais pas fait. Les changements de vie de mes précédentes héroïnes, elles avaient tendance à partir ailleurs, et jamais revenir d’où elles venaient. Avec Hortense, j’ai eu envie de la ramener à sa source, à ses origines. Pour qu’elle se rende compte qu’elle avait fui la douleur de perdre ses parents, cette maison et cette région, alors que finalement, c’est là qu’elle était elle-même. »
Agnès Martin-Lugand a vendu plus de 2 millions de livres en France et à l’étranger. Ses livres sont traduits dans 32 pays. Elle a écrit Les gens heureux lisent et boivent du café et J’ai toujours cette musique dans la tête, entre autres.
AGNÈS MARTIN-LUGAND – À LA LUMIÈRE DU PETIT MATIN