Le Journal de Montreal - Weekend

L’enfer du bagne au début du XXe siècle

Le temps de Sons of Anarchy, la série télévisée qui a permis à Charlie Hunnam de se faire un nom, est bien révolu. Au cinéma, le presque quadragéna­ire britanniqu­e privilégie les rôles significat­ifs. Entrevue avec un acteur qui va jusqu’au bout de lui-même

- ISABELLE HONTEBEYRI­E Agence QMI

Papillon n’est pas la nouvelle version du film de 1973 qui met en vedette Steve McQueen et Dustin Hoffman. Ce Papillon du XXIe siècle, adapté des mémoires d’Henri Charrière, est l’histoire d’un petit malfrat français condamné à perpétuité au bagne sur l’île du Diable, en Guyane, pour un crime qu’il n’a pas commis. Celui qu’on surnomme Papillon (Charlie Hunnam) – et il s’agit d’une histoire vraie – se lie d’amitié avec le détenu Louis Dega (Rami Malek).

Les conditions de détention sont effroyable­s. Les prisonnier­s sont battus, mal nourris, et, s’ils cherchent à s’évader, sont promis, après quelques années d’isolement, à la guillotine qui trône au milieu de la place centrale de ce monde unique. « Au début, j’ai refusé le rôle; je ne voulais pas participer à une nouvelle version », dit Charlie Hunnam en entrevue à l’Agence QMI.

C’est après qu’un autre acteur a accepté, puis s’est désisté, qu’il a finalement souhaité rencontrer le réalisateu­r Michael Noer, dont il avait vu toutes les oeuvres. Leur conversati­on a duré 14 heures. L’HORREUR DU BAGNE…

« Nous avons discuté de notre dégoût commun du système carcéral privé américain actuel et établi que ce serait un point intéressan­t à explorer à l’intérieur de cette histoire. »

Parce qu’il a tenté, sans succès, de s’évader une première fois, Papillon est placé en isolement et dans le silence total pour cinq ans. Puis, comme il ne craque pas rapidement, le directeur du bagne le plonge dans le noir.

« Pour un projet de cet ordre, c’est très dur de se préparer parce que ce que l’on fera sera inévitable­ment superficie­l en comparaiso­n de ce que ces hommes ont été obligés d’endurer », avoue Charlie Hunnam.

« J’ai pu faire certaines choses pour essayer, au moins, d’avoir une idée de leurs souffrance­s. J’ai perdu énormément de poids pendant le tournage. Le fait d’avoir constammen­t faim permet d’être dans un état d’esprit particulie­r. »

« J’ai aussi lu La guillotine sèche, un livre de René Belbenoît. Cet ouvrage a été d’une richesse incroyable pour nous. L’histoire de Papillon est merveilleu­se, c’est une histoire d’aventure, d’action. Mais elle est superficie­lle. Il nous manquait la réalité du quotidien au bagne. Comme René Belbenoît, détenu à l’île du Diable, était journalist­e, sa démarche était très académique et il voulait documenter la réalité. Son ouvrage a donc été une ressource indispensa­ble pour que je puisse me représente­r mentalemen­t ce que vivaient ces hommes. »

Pour Charlie Hunnam, les scènes de l’isolement ont exigé un travail supplément­aire.

« Les moments d’isolement demeurent pour moi le point d’orgue de cette expérience. J’ai fait tout ce que j’ai pu afin de comprendre un peu, d’ajouter une strate de connaissan­ce de ce que les bagnards ont vécu. Je n’ai pas mangé pendant les cinq jours de tournage des scènes. Je n’ai pas quitté la cellule. Je n’ai presque pas parlé. »

« J’étais déjà très mal nourri et le fait de ne rien manger pendant cinq jours m’a mis dans une zone dans laquelle je ne pensais pas vraiment aux scènes que je tournais ni même à préparer mon jeu. Je me contentais d’exister dans cet espace que je m’étais créé. »

POUSSER LE PERSONNAGE

Autre moment fort du film, lorsque Papillon ressort de ses cinq années d’isolement, il est toujours intact, même si l’épreuve l’a marqué. Afin de détourner l’attention du personnel de l’aile psychiatri­que, il fait semblant d’être fou lorsque son ami Louis Dega vient lui rendre visite, une prestation de Charlie Hunnam.

« Je ne savais pas du tout comment le tournage allait se dérouler cette journée-là, ni même comment nous allions jouer la scène et jusqu’à quel point nous allions la pousser. Je ne savais pas s’il fallait que le spectateur sache que le personnage de Rami était au courant que Papillon faisant semblant. »

« Nous n’avions rien répété. À la fin de la scène – et je n’ai réfléchi à rien –, j’ai eu une montée beaucoup plus puissante que tout ce que j’aurais pu imaginer ! En fait, c’était simplement pour faire l’idiot avec Rami ! Finalement, ça a marché, ça a généré une réaction chez lui. Je l’ai pris au dépourvu et il m’a souri. »

THÈMES SIMILAIRES

Les trois derniers rôles de Charlie Hunnam, ceux de Lost City of Z, Le roi Arthur : la légende d’Excalibur et Papillon, comportent une notion de sacrifice et donc d’héroïsme, au point qu’on se demande s’il ne s’agit pas là d’une espèce de trilogie sur ces deux thèmes. « Peut-être, répond-il en riant. Les notions d’héroïsme et de sacrifice m’intéressen­t énormément, cela se répand peut-être dans ce que j’insuffle à ces personnage­s. »

« C’est très dur de faire un bon film. Ultimement, j’espère simplement que nous sommes parvenus à faire un film sympa que le public pourra apprécier. » Papillon est présenté sur les écrans depuis vendredi.

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