Le Journal de Montreal - Weekend
UN RENÉ LÉVESQUE GRANDEUR NATURE
La figure de René Lévesque continue de hanter les coulisses de la politique québécoise, plus de trente ans après sa disparition, un 1er novembre. Plusieurs politiciens s’en réclament encore.
Et tous, adversaires comme partisans, s’entendent pour dire qu’il fut un grand chef d’État, un politicien acharné, un visionnaire lucide, mais aussi un journaliste modèle et intègre qui a couvert divers théâtres de guerre et qui avait à coeur d’éclairer un peu plus et un peu mieux la population sur les grands enjeux internationaux, à l’heure des luttes de libération nationale dans le tiers monde. Les plus vieux, comme moi, se rappellent l’émission Point de mire, où le journaliste Lévesque nous expliquait, craie et baguette à la main, le monde en mutation.
Les textes réunis dans cet ouvrage sont adaptés des interventions de quatorze participants au quatrième colloque de la Fondation René-Lévesque, tous proches de l’ancien premier ministre péquiste à divers degrés. Quatre thèmes avaient été retenus : « les grands enjeux internationaux, de la guerre froide à la décolonisation ; la perception du rôle du Québec et de la France au sein de la francophonie ; l’ouverture de la Chine et la montée économique des pays d’Asie ; l’interdépendance grandissante des nations et, en particulier pour le Québec, le dilemme entre américanité et européanité ».
INDÉPENDANCE
Même si la souveraineté du Québec ne figure pas à l’ordre du jour de ce colloque, elle demeure un sujet incontournable puisque René Lévesque ne manque jamais une occasion de réaffirmer sur toutes les tribunes le droit, pour les peuples, à disposer d’euxmêmes, et ce bien avant de devenir le premier chef souverainiste à être élu à la tête de l’État québécois.
Les relations particulières que le Québec entretient avec la France sont une autre occasion de promouvoir la souveraineté du Québec, que ce soit à travers les échanges culturels et commerciaux, ou lors du premier Sommet de la francophonie ou encore au sein de l’Agence de coopération culturelle et technique. René Lévesque, qui effectuera quatre visites officielles en France au cours de ses mandats, aura réussi « à convaincre la diplomatie française de l’importance de la présence du Québec » sur la scène internationale. Même face au géant américain, notre premier voisin, Lévesque essaiera de promouvoir l’idée d’un Québec indépendant, en mettant sur pied une opération charme baptisée « Opération Amérique ».
En préface, Guy Laforest n’hésite pas à affirmer que « René Lévesque a inscrit le nationalisme québécois dans les grands mouvements du XXe siècle. […] Et il a, sans nul doute, largement contribué à l’ouverture du Québec sur le monde. » De quoi clore le bec des multiculturalistes qui voient dans le nationalisme québécois une manifestation de racisme et de fermeture.
FIGURE EMBLÉMATIQUE
Il est bon de voir Lucien Bouchard vanter les mérites de Lévesque en répondant par la même occasion à ses détracteurs. « Son nationalisme n’avait rien à voir avec celui qu’on stigmatise en Europe et que les adversaires fédéralistes aiment bien prêter aux souverainistes. […] Loin de réduire les horizons de ses concitoyens, l’indépendance qu’il prônait visait à les amener sur la scène du monde. » Son portrait de René Lévesque, homme du peuple « dépouillé de toute prétention », homme de coeur sensible et sincère, près des siens qui se reconnaissent en lui, est attendrissant et grandeur nature. De telles paroles ne peuvent que me (nous ?) réconcilier avec un Lucien Bouchard qui nous avait semblé distant depuis quelques années. Il parle ici des « adversaires fédéralistes » : sera-t-il de nos prochains combats ?