Le Journal de Montreal - Weekend

FASCINANTE PLONGÉE DANS LE MIEL !

L’image est facile, vu le thème abordé, mais il reste vrai d’affirmer que Reine de miel est un délicieux roman !

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Simon Paradis vient d’une famille d’apiculteur­s et c’est fort de cette histoire familiale comme de ses connaissan­ces qu’il livre un premier roman entièremen­t tourné vers cet univers méconnu de la récolte du miel. Quel monde on découvrira !

On entre pourtant de manière bien particuliè­re dans Reine de miel. Au début du livre, un homme est retrouvé sans vie dans une cuve industriel­le de miel, dans le petit village de Saint-Hughes. Il s’agit d’un étranger que nul ne connaît ; retirer son corps de la substance collante ne sera pas une mince affaire !

Mais l’affaire reste en plan puisqu’au chapitre suivant, nous voilà au Mexique, avec un collection­neur de masques de miel ; l’autre d’après, retour à Saint-Hughes, mais au milieu du 20e siècle. Si on avance encore dans le roman, nous voici en 1867, sur un bateau, en route vers l’Exposition universell­e de Paris avec l’apiculteur Thomas Valiquet, de Saint-Hilaire.

Sans oublier ce jeune homme, bien contempora­in celui-là, qui écrit au « je » son histoire et qui fuit sa famille, ce qui le conduira néanmoins à tenter l’expérience d’installer des ruches au coeur de Montréal.

Bref, les chapitres se suivent sans qu’un fil ne se dégage clairement. Mais on s’en soucie peu, car ce qui se révèle de page en page est fascinant. Qui aurait cru que les moeurs des abeilles, le développem­ent de l’apiculture au Québec et les rituels d’initiation des apiculteur­s puissent être si passionnan­ts ?

Il faut dire que Simon Paradis sait raconter cette saga. En fin connaisseu­r, il trouve les mots pour présenter les catégories de miel : celui-ci, « âpre et boisé, avec un reflet bleuté, lorsque mis sous la lumière », cet autre, « vinaigré un tantinet comme un parfum étouffant ». Cette manière de décrire, soignée et évocatrice, tient tout au long du roman.

Il nous fait voir aussi la rude besogne des hommes qui travaillen­t avec les abeilles – une collaborat­ion indispensa­ble, car c’est leur absence de peur qui protège les apiculteur­s de piqûres qui peuvent être mortelles.

De même, il fait revivre un Québec oublié : celui, ambitieux, du 19e siècle où l’on voulait se mesurer aux Européens et aux Américains. En matière de production de miel, ceux-ci cherchent à faire plus alors qu’il s’agit de faire mieux. Le Québécois Valiquet l’a bien compris, qui a imaginé un nouveau type de ruche et qui, par croisement, entend créer une reine des neiges, indispensa­ble abeille qui serait adaptée aux conditions climatique­s d’ici.

Peu à peu, on comprend que les chapitres s’entrelacen­t : les mêmes personnage­s réapparais­sent et le masque de miel devient un objet fétiche, incontourn­able du récit. Toute une trame familiale, sept génération­s de drames et d’espoirs, est à se déployer dans un apparent désordre que la conclusion vient réconcilie­r.

Le parcours est non seulement riche, mais décidément savoureux.

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REINE DE MIEL Simon Paradis Marchand de feuilles 347 pages 2018
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