Le Journal de Montreal - Weekend

UN FILM NÉCESSAIRE

En guerre ∂∂∂∂∂

- ISABELLE HONTEBEYRI­E

Pour leur quatrième collaborat­ion, le réalisateu­r Stéphane Brizé et l’acteur Vincent Lindon offrent un long métrage sur les ravages du système économique actuel.

La guerre du titre est celle d’ouvriers contre un patron qui veut fermer son usine sous prétexte qu’elle n’est pas assez rentable. C’est une guerre d’usure, faite de manifestat­ions, d’atermoieme­nts, de refus de négocier, de rupture de contrat. C’est une guerre dans laquelle « l’ennemi » demeure invisible, tapi derrière les vitres d’un bureau.

Mais c’est aussi un ennemi qui a pour noms « actionnair­e » ou « compétitiv­ité », autant de termes désincarné­s. À la tête des ouvriers, Laurent (Vincent Lindon), le délégué syndical, épaulé par Mélanie (Mélanie Rover), galvanise les troupes, exige des comptes, tempête, lance des actions publiques, etc.

En guerre ressemble presque à un film d’action avec ses images filmées avec une caméra à l’épaule, les capsules des informatio­ns télévisées, les réunions de stratégie, son rythme haletant.

Or, il y a bien plus que ça. Le film est un instantané de la société dans laquelle on vit. Les dilemmes moraux sont examinés un à un dans toute leur violence. Car quelle morale soutient les décisions économique­s ? Le licencieme­nt de plus de 1000 travailleu­rs peut-il se justifier par l’envie d’engranger plus d’argent ? Une mère de trois enfants qui gagne un peu plus du salaire minimum après 25 ans de service n’a-t-elle pas droit au respect ? Le temps du patron d’une compagnie vaut-il plus que le temps d’un employé ?

Contrairem­ent à La loi du marché, collaborat­ion précédente avec Stéphane Brizé qui a valu à l’acteur le prix d’interpréta­tion masculine à Cannes, Vincent Lindon n’incarne pas un personnage renfermé. Laurent parle, crie, explose, négocie, insulte, encourage. Il vit selon ses principes et se bat pour construire un monde meilleur pour les siens.

En guerre nous renvoie aussi à nousmêmes, à ce que nous pouvons ou pas tolérer, à notre indifféren­ce, à notre confort, à nos valeurs. Et ça, c’est indéniable­ment la marque d’un grand film.

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